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Qui est le film ?
Deuxième long métrage de Kogonada après Columbus (2017), After Yang (2021) confirme l’intérêt du réalisateur pour une mise en scène contemplative où l’espace et le temps deviennent des matières dramatiques à part entière. Sur le papier, le film est une œuvre de science-fiction domestique : dans un futur proche, une famille tente de réparer Yang, un androïde « grand frère » conçu pour accompagner leur fille adoptive. Mais derrière la promesse de la réparation se dessine un récit beaucoup plus vaste sur la mémoire, la perte et ce qui fait qu’une vie, humaine ou non.
Que cherche-t-il à dire ?
Kogonada ne se contente pas d’interroger l’IA comme outil narratif. Il déplace la question vers un terrain intime : comment nos souvenirs, nos identités culturelles et nos relations survivent-ils à l’absence ? Yang devient le réceptacle d’une mémoire partagée, et sa panne contraint la famille à revisiter ce qu’il représentait un lien, un médiateur culturel, un témoin silencieux des moments insignifiants qui, rétrospectivement, sont ceux qui comptent.
Par quels moyens ?
Plans fixes, lumière douce filtrée, temporalité étirée : chaque image ressemble à une photographie que l’on aurait peur d’abîmer. Cette esthétique ne se contente pas de séduire l’œil : elle matérialise la fragilité des souvenirs, leur tendance à se recomposer avec le temps. En regardant ces plans, on a l’impression de consulter un album familial.
Yang ne vit pas par programmation, mais par accumulation de liens. Il a appris à ressentir — ou à simuler le ressenti par immersion dans la vie familiale. Ce positionnement brouille la frontière entre mémoire biologique et mémoire technique, au point que l’on se demande si ses souvenirs valent moins que ceux des humains.
La fille adoptive est d’origine chinoise, et c’est Yang qui lui transmet la langue et les traditions. Ce choix scénaristique questionne la médiation culturelle : qu’est-ce qu’une culture apprise par un artefact ? Peut-elle exister sans contact organique avec un groupe vivant ? Kogonada en fait une interrogation douce, jamais didactique.
Quand la famille accède aux enregistrements de Yang, elle découvre non pas des moments spectaculaires, mais des gestes infimes : une lumière du matin, un rire dans la cuisine. Le film fait de ces détails le véritable matériau de la mémoire affective, en opposition au spectaculaire que la science-fiction privilégie souvent.
La quête initiale, réparer Yang, se dissout progressivement. Ce qui importe n’est pas de le « sauver » mais d’assimiler ce qu’il laisse derrière lui.
Où me situer ?
Ce que j’admire, c’est la cohérence entre la forme et le fond : le rythme lent, l’attention aux détails, la douceur visuelle ne sont pas de simples choix esthétiques, mais une façon de nous placer dans le même état méditatif que les personnages. Si réserve il y a, elle tient à un certain hermétisme émotionnel : cette pudeur, si elle rend le film élégant, peut aussi laisser une distance avec le spectateur.
Quelle lecture en tirer ?
After Yang n’est pas une fable sur la technologie, mais sur la mémoire comme prolongement de l’être. Kogonada montre que ce qui nous définit n’est pas notre matière mais les liens que nous tissons et les traces que nous laissons. En filigrane, il interroge la transmission culturelle, la valeur des souvenirs et notre rapport à la perte.
Créée
le 17 août 2025
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