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À l'orée des années 30, le cinéma est en pleine expansion et c'est tout un monde qu'il faut séduire et convertir aux vertus du parlant. La tâche est d'autant plus délicate que la concurrence est rude et chaque studio possède de solides arguments à faire prévaloir. Mais quoi de mieux pour vendre un film qu'une grande vedette ou une belle tête d'affiche ! Ainsi la Paramount et la MGM exhibent leur star et sortent les couteaux, la lutte sera sans merci ! De cette rivalité financière va naître une rivalité artistique entre deux actrices, Dietrich et Garbo. Alors forcément, lorsque cette dernière prête ses traits à la célèbre espionne Mata Hari, on s'empresse de concocter un rôle similaire pour L'Ange bleu, donnant ainsi naissance à ce personnage surréaliste répondant au doux nom d'agent X 27.


Il faut bien l'avouer, Dishonored n'a rien du grand film d'espionnage, l'histoire étant reléguée au second plan par la relation entre un cinéaste, Josef von Sternberg, et son actrice vedette. Néanmoins tous les ingrédients sont là pour avoir une solide affaire d'espionnage : l'intrigue prend la Grande Guerre pour cadre, la période est trouble, les manipulations et les trahisons sont fréquentes. Seulement le film prend vite ses libertés avec le réalisme et devient gentiment rocambolesque. Dès le début le ton est donné puisqu'on voit une prostituée devenir, du jour au lendemain, espionne avant d'aller déjouer les plans du redoutable ennemi russe. Mais, outre l'incroyable destin de la dame, ce qui gêne quelque peu la bonne appréciation du film, c'est que von Sternberg ne développe pas davantage son intrigue et ses personnages. On sent que notre homme ne va pas au bout des possibilités de son scénario, passant un peu rapidement sur certains aspects de l'intrigue ou n'exploitant que partiellement certains personnages. Le film aurait mérité d'être plus étoffé pour être plus passionnant et pour acquérir le souffle ou le grandiose que l'on retrouve dans The Scarlet Empress. Mais Dishonored aurait également gagné à avoir un autre acteur principal que Victor McLaglen. En effet, l'acteur au sourire colgate surjoue bien trop souvent et peine à se glisser dans le costume du grand héros romantique...


Si l'aspect espionnage s'oublie assez vite, ce qui marque les esprits, par contre, c'est l'éloge fait par von Sternberg à sa Marlene. Il va la filmer sous toutes les coutures, la rendant tour à tour légère, sensuelle, mystérieuse, impériale... De simple espionne, il va la transformer en icône tragique qui ne va vivre que pour son amour envers son rival d'origine russe, le personnage incarné par McLaglen. Ainsi, malgré l'aspect un peu bancal de l’histoire, Dishonored impressionne car on a rarement vu Marlene Dietrich aussi émouvante qu'ici. Josef von Sternberg va jouer sur les contrastes du noir et blanc, exaltant les perspectives offertes par les décors, usant (et abusant un peu) d'images en surimpressions pour servir au mieux son actrice et insuffler un vrai souffle baroque à son histoire. Certaines scènes sont ainsi très fortes et affichent une belle dimension esthétique, comme celle du carnaval ou encore cet interrogatoire réalisé dans la pénombre. Comme dans toute bonne tragédie, le final doit être intense et sur ce point, Dishonored n'échappe pas à la règle. En tout cas, pour ma part, je garderais longtemps en tête cette ultime séquence durant laquelle notre espionne fend légèrement le masque, laissant poindre quelques bribes d'émotion, avant d'avancer fièrement vers son funeste destin. Inoubliable.


(6.5/10)

Procol Harum

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