Aguirre la Colère de Dieu de Werner Herzog, une oeuvre nous narrant le voyage d'une expédition de Conquistador Espagnols traversant la dense jungle d'Amérique du Sud à la recherche de la fameuse Eldorado, Eldorado qui sera d'entrée précisé sur un panneau comme étant une légende inventée de toute pièce par les natifs nous donnant un indice d'emblée sur le destin réservé à nos protagonistes.

L'accent est mis sur cette jungle qui est présentée d'une grandeur si imposante et écrasante de la Nature à l'échelle humaine et par ses plans si vertigineux comme celui introductif que l'on se demande encore comment c'est possible que personne ne soit mort durant le tournage. Ca en devient d'ailleurs presque un jeu d'inspecter toutes les séquences et d'essayer de remarquer celles qui sont accidentelles ou volontaire, que ce soit un panier dévalant une montagne ou un cavalier perdant le contrôle de sa monture, le tout accouplé de regards caméra subtils de nos personnages donnant une impression de faux documentaire comme si le caméraman était réellement parmi eux. Renforçant un semblant de véracité et d'austérité à l'environnement et à une narration imprévisible par rapport à ce que Herzog a souhaité filmer à l'improviste.


Mais que serait Aguirre la Colère de Dieu sans Aguirre ou plutôt Klaus Kinsky, un personnage dérangé interprété par un acteur dérangé, et le résultat est plus que réussit.

Notre protagoniste montrera ce que la volonté d'un seul homme peut arriver à engendrer sur les autres, c'est probablement comme cela que ce sont bâtis les plus puissants empires sauf que là notre homme est fou, que dis je il est aliéné, détraqué, complètement barjo.

Aguirre entraîne dans sa folie 40 hommes en se mutinant contre leur supérieur en pleine jungle et à renier la couronne d'Espagne, mais restant de surcroit assez malin pour ne pas s'auto-élire chef et préfèrera proclamer un sous fifre bedonnant, simple d'esprit et manipulable à la tête de l'expédition car en cas de problème on ne blâmera évidemment pas le bras droit, montrant que bien dément notre Aguirre reste un être perspicace et gardera l'autorité jusqu'à la fin en appuyant sur l'avidité de ses camarades, leur promettant mont et merveille et la fondation d'un nouveau pays.... avec 40 individus... c'est tellement fort comme manipulation que même Charles Manson devait envier Aguirre.


A partir de là tout sera un aller simple vers l'enfer sur un fleuve, de mésententes et d'affrontements sanguinaire avec les indigènes locaux qui fera perdre les repères pour savoir ceux qui sont les moins civilisés, entre ceux qui sont cannibales et ceux qui envoie un esclave noir en première ligne pour effrayer les indigènes et qui éliminent sans remords les opposants et même les païens pacifiques pour seule raison qu'ils ne comprennent pas le fonctionnement d'un livre.

Une lente agonie frappera nos héros, de morts et de disparitions inexpliquées donnant une atmosphère d'autant plus mystique à cette jungle montrée comme une entité hostile, d'une traversée si irrationnelle que même le seul cheval de la troupe préfèrera fuir l'haleine féroce de Klaus Kinsky en quittant le radeau d'infortune, la maladie et la faim si dévorantes qu'elles feront perdre tout sens à notre équipage et aux spectateurs et les feront se questionner sur ce qui est irréel ou non, est ce que le bateau perché sur l'arbre est vrai ? est ce que les flèches plantées dans la cuisse sont réelles ? ont-ils vraiment laissés s'enfuir le cheval qui aurait pu leur servir de nourriture pendant plusieurs jours ?


Seul le moine narrateur du récit se rendra compte trop tard de la bêtise qui a été de suivre le fou du radeau nommé Aguirre qui a osé se prétendre maître de la jungle.

En revanche aucun éclair de lucidité ne viendra frapper ce dernier même quand la seule personne qu'il appréciait : sa propre fille se retrouvera mourante dans ses bras, une flèche en pleine poitrine.

Errant sur le radeau encore debout parmi les corps sans vie de ses compères tel un fantôme, refusant d'admettre la gravité de la situation engendrée par ses méfaits, tenant toujours à ses fantasmes, et rêvant de bâtir un empire en se reproduisant avec sa fille pourtant décédée, se retourne vers eux et s'exclame " Qui est avec moi ? ".

Aguirre est Dieu... Dieu est Grand... Dieu est Négateur...


Moral de l'histoire : Ne travaillez jamais avec un Aguirre.


BlindHelm
10
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le 10 août 2025

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BlindHelm

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