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Appeler les femmes le sexe faible est une diffamation



  • Tant que je serai là, personne ne touchera à Ai Nu!

  • Mais elle veut se venger de nous!

  • Tu y crois, toi ?

  • Penses-tu! Nous sommes une seule et même personne à présent!



Intimate Confessions of a Chinese Courtesan, de son titre français Ai Nu, esclave de l'amour réalisé par le génial Chu Yuan à qui l'on doit de nombreux titres phares comme : "Le Sabre infernal", "Death Duel", ou encore "Le Complot des clans", présente avec ce titre un film très particulier dans les décors de la Saw Brothers. Une histoire de vengeance ultra violente dans les divers propos présentés avec une intrigue qui tourne autour d'une femme tenue prisonnière dans une maison close qui sera violemment sexuellement abusée durant des années. Un récit choquant qui met au premier plan la luxure, le sexe ainsi que le viol, avec des scènes de tortures très explicites jusqu'à une relation homosexuelle entre les deux personnages principaux que sont Ai Nu (Lily Ho) et Lady Chun (Pei Ti). Un évènement pour la Shaw Brothers que l'on doit au scénario de Chiu Kang Chien qui en raison de son thème révolutionnaire à l'époque va bouleverser les codes en amenant beaucoup de texture de fond dans les différents propos présentés, le tout sublimement réalisé dans la forme par le cinéaste Chu Yuan.


En 1972, les spectateurs Chinois furent choqués tant le sujet bouscula les moeurs avec cette histoire homosexuelle entre deux filles, qui pour rappel étaient condamnées à l'époque. Une oeuvre en avance sur son temps qui aura bouleversé le genre. Du jamais vu. Avec son sujet choquant qui pourrait en scandaliser plus d'un surtout à notre époque, Intimate Confessions of Chinese Courtesan parvient à ne jamais être de mauvais goût, grace à la réalisation de Chu Yuan qui parvient toujours à rendre l'image suffisamment claire pour que notre imagination puisse prendre le pas sur le reste d'une séquence sans jamais aller trop loin dans l'avertion humaine pour rendre son film indigeste. Un parfait compromis entre les deux, permettant de retranscrire suffisamment les actes méprisables faits autour des femmes esclaves (je pense en particulier à la terrible séquence où les nouvelles esclaves sont testées pour s'assurer qu'elles sont toujours vierges), ainsi qu'autour d'Ai Nu, pour se sentir suffisamment agressé et indigné pour elles, mais sans rendre cela insupportable à l'écran. L'érotisme entre les deux femmes est bien maîtrisé à travers une mise en scène poétique qui ne va jamais rendre les séquences de nudité gratuites, servant avant tout l'intrigue. Un mélodrame érotique autour d'une femme dont on ressent chacun des actes odieux qui lui sont commis, au point où on se délecte de cette vengeance tant attendue.


Si tout du long du récit le sujet asticote le public avec cette violence sexuelle proposée à travers de multiples plans amoraux, Chu Yuan, n'oublie pas d'offrir également un film d'arts martiaux avec des séquences de combat superbement chorégraphiées. Une rage dans les confrontations à travers un déluge d'agressivité qui apporte un caractère violent qui ne peut être dénoncé parce que l'intrigue le justifie habilement. Des duels sanglants survoltés à tomber, avec des démembrements où le sang jaillit de toute part à coups d'épées vengeurs portés par la férocité d'Ai Nu, jusqu'au duel final entre celle-ci et Lady Chun. Une confrontation finale magnifiquement orchestrée avec les deux beautés ravageuses que sont les comédiennes Pei Ti et Lily Ho qui vêtues de leurs superbes tenues blanches sous un décor enneigé font pleuvoir le sang de leurs ennemies, amenant un contraste saisissant à la colorisation de l'image. Un chapitre final qui aura servi d'inspiration à Kill Bill de Tarantino. Visuellement hors pair, Chu Yuan livre une réalisation exceptionnelle, à travers des décors luxuriants où de nombreux personnages magnifiquement vêtus de costumes d'époque viennent remplir intelligemment les fonds d'images. Chu Yuan apporte sa propre marque avec un sens de l'esthétisme grandiose. La bande originale de Fu Liang Chou est excellente, apportant un contraste saisissant avec des sons qui orchestrent et incarnent parfaitement l'instant d'une séquence.


Le casting réunit deux grandes actrices avec Pei Ti et Lily Ho qui incarnent respectivement Lady Chun et Ai Nu, qui sont toutes deux d'une beauté renversante. Des rôles controversés qui subjuguent l'écran de finesse, de fureur et de sensualité. Lily Ho, comédienne phare du studio Shaw Brothers offre une personnalité particulière à "Ai Nu" son personnage traumatisé. Elle incarne une beauté moderne qui crève l'écran via un rôle de femme forte qui s'émancipe de sa condition à travers une figure féministe d'une justesse incroyable. Pour ses débuts dans la Shaw Brothers, la comédienne Pei Ti ne démérite pas en incarnant un rôle terriblement controverse sous les traits de Lady Chun. Avec un regard glacial et un sourire pervers, Pei Ti offre un personnage remarquablement nuancé, capable d'éprouver un amour pur et sincère au point de sacrifier tout pour celle qu'elle aime, mais également de commettre les pires sévices jusqu'à violer celles qui l'attirent allant jusqu'à se délecter du sang de celles-ci. Les deux comédiennes enchanteresses offrent un somptueux duo rarement égalé qui justifie à elle seule de regarder cette oeuvre. On retrouve d'autres têtes bien connues du cinéma de la Shaw Brothers avec Mei Sheng Fan (Wu Hua-Tian) et Chan Shen (Li Chang-an) qui sont deux salopards travaillant pour le bordel de Lady Chun, ou encore le célèbre Yueh Hua qui sous les traits du commissaire Ji apporte un rôle intéressant qui amène une critique sur le système injuste proféré contre les femmes. Le comédien malgré son importance reste en retrait pour ne pas ombrager le travail somptueux des deux comédiennes principales.


CONCLUSION :


Intimate Confessions of a Chinese Courtesan de Chu Yuan est film à part appartenant à la firme de la Shaw Brothers qui avec cette oeuvre va bouleverser l'histoire du cinéma Chinois. Un long-métrage à l'époque unique qui bouleverse et scandalise à travers une histoire qui trouve son sens dans un parfait jeu d'équilibriste entre les arts martiaux, la romance, la violence ou encore le sexe. Chu Yuan contrebalance intelligemment un récit d'une grande perversité pourvu de cruelles séquences de viol, avec une romance homosexuelle romantique entre les superbes comédiennes que sont Pei Ti et Lily Ho, tout cela pour servir le but ultime de Ai Nu : "la vengeance". La réussite de l'oeuvre doit beaucoup à la réalisation de Chu Yuan, le scénario de Chiu Kang Chien ainsi que les incarnations pharaoniques des comédiennes Pei Ti et Lily Ho.


Le chef d'oeuvre de la Shaw Brothers.



Une femme de ton espèce... ne mérite pas l'amour.


B_Jérémy
10
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le 22 avr. 2021

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