Je regarde ces images venues du passé, qui me parlent. Je vois des acteurs que je reconnais, qui ont bercé mon enfance. J’entends ce dialecte que j’ai appris en premier. Et je vois ces enfants que je croise, quand je retourne au bled. Ces enfants de la rue. Ces petits mendiants.
Qu’est-ce que la réalité, lorsqu’on comprend que ce que ces enfants vivent, c’est tout, sauf ce qu’on imaginait. Il m’est impossible de me mettre à leur place. Je les regarde, toujours impuissante, et comprends que je suis malgré tout, chanceuse. On ne se rend compte de Ses bienfaits que lorsqu’on voit l’herbe la moins verte de notre voisin. De toute manière, il est toujours mieux de voir celui qui a moins que celui qui a plus, pour être finalement rassasié.
Un caillou, juste un, a suffi pour causer la mort d’un petit être. Plus d’avenir, voilà qu’il pourrit dans un trou. Pour autant, son trou n’était pas ce qu’on croyait. A l’intérieur, il y avait une fresque, comme celle qu’on trouve dans certaines cavernes.
On a tous besoin de raconter des histoires, ou de se raconter des histoires, pour supporter cette vie. Pour patienter à cette vie. On ne comprend pas toujours où elle veut en venir, parfois on se laisse porter, parfois on essaye juste de survivre. Et au final, à la fin, on prend le large, on est déjà parti.
Je vois ces enfants et je les imagine être mes petits cousins, mes petits frères. Ce n’est pas de la peine que je ressens, je suis en colère au fond. En colère qu’on les laisse livrés à eux même. En colère qu’on soit injustes envers eux. Et ce sentiment d’impuissance, de voir cette misère qui s’étend sur le monde, et pas qu’à travers ces quelques images qui traitent de ce sujet, me répugne parfois.
Qui n’aimerait pas aider ? Qui n’aimerait pas faire plus ? Mais qui a vraiment les moyens de le faire ?
Un roi devrait voir son petit peuple souffrir. Ces bidonvilles, cette rue dangereuse que ces petits jeunes côtoient de plus près. Ces « sniffeurs », comme ils sont appelés.
Qu’est-ce que la réalité au final, si on ne peut pas rêver ?
La « petite mort » nous permet de rêver, tandis que la vrai mort, elle, achève les rêves.
« Il doit être heureux là où il est. »
Et sur le bateau, le petit prince prit le large.