Le début du film est très réussi : même si Mia Wasikowska n'a pas le charme d'une Winona Ryder (dans Beetlejuice ou Edward aux mains d'argent), elle a une présence, une maturité, un esprit rebelle qui en fait tout de suite un personnage burtonien. La fête de mariage surprise est pleine de bons sentiments (sans en faire des tonnes comme dans Edward) et les décors sont magnifiques. Mais dès que Alice commence à suivre le lapin blanc, et qu'on découvre le monde très psychédélisé de l'autre côté du miroir, on commence à remarquer de sérieux défauts dans cette adaptation.


Tim Burton nous avait habitué à un imaginaire débordant dans des décors de carton-pâte, ce qui rendait au mieux à l'écran une sensation onirique. Ici on a droit à une énième esbrouffe de synthèse sans rien derrière, trop influencée par les productions vidéoludiques type Final Fantasy. Comme on pouvait s'y attendre, le décor est proche de Charlie et la chocolaterie qui en faisait déjà bien de trop.


Au niveau du scénario, c'est encore pire : Lewis Carroll avait créé un univers qui n'était à l'origine pas fait pour les enfants, un univers où les postulats scientistes et logiques du monde contemporain n'ont plus cours, où le cauchemardesque et le surréalisme sont mis en parallèle, où Alice est confrontée à une vraie crise d'identité, où tous les conventions du monde réel se trouvent chamboulées par un "nonsense" salvateur et satirique. Ici, Tim Burton n'est plus là que pour timidement magnifier quelques personnages et Lewis Carroll a complètement disparu. Disneyland remplace Wonderland et l'histoire se développe dans un antagonisme entre le bien (blanc) et le mal (rouge) caractéristique du cinéma Disney de ces derniers temps (qui souffre depuis bien des années d'un progressif nivellement par le bas). Où est la critique de la société victorienne inhérente au livre ? Où est la remise en question des certitudes technocrates du monde d'aujourd'hui ? Alors que le livre était un vrai brûlot à l'époque, cette version d'Alice est une resucée de codes qu'on connaît par coeur et qui n'apportent plus rien. Où est passée aussi la verve gothique de Tim Burton qui s'inspirait d'Edgar Allan Poe ? Burton nous livre un produit de studios qui est plaisant de par son thème et les moyens mis en oeuvre, mais très sage et trop peu novateur. On aurait pu échanger le réalisateur avec un autre marionette un peu douée des businessmen de Disney, on ne verrait que trop peu la différence. Les 200M$ auraient vraiment pu être utilisés à de meilleures fins.

filmdeouf
1
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de Tim Burton et Les pires films américains

Créée

le 12 avr. 2015

Critique lue 212 fois

filmdeouf

Écrit par

Critique lue 212 fois

D'autres avis sur Alice au pays des merveilles

Alice au pays des merveilles
Hypérion
3

Alice au pays des merveilles cassées

Quand la presse est globalement mauvaise et les avis, notamment senscritiquiens, grognons, voire carrément acerbes, ça rabaisse de facto le niveau d'exigence à ras le plancher. Et puis quand même,...

le 1 oct. 2013

71 j'aime

7

Alice au pays des merveilles
real_folk_blues
1

Non Johnny ne fait pas les gros yeux... ... ...

Sociopathe immature décoiffé, Burton n'est plus foutu de nous pondre un bon film depuis...quoi, 15 ans? Faut arrêter un peu avec lui, ses spirales, ses rayures noires et blanches, son garçon huitre à...

le 18 mai 2011

69 j'aime

34

Alice au pays des merveilles
Marius
2

Supplice au pays des merveilles...

C'est Alice qui rencontre un lapin, et puis on aurait dit qu'elle combattait un dragon et pis y aurait un monstre mais en fait il est gentil. Nawak. Burton mélange "Alice" à ce qu'il y a de plus laid...

le 6 déc. 2010

65 j'aime

30

Du même critique

Two Lovers
filmdeouf
5

Le cul entre deux chaises

J'avais peur que ce Two Lovers soit ou bien un film cul-cul ou bien quelque chose d'outrageusement auteurisant. Mais ce n'est pas là que le bât blesse, on a pas là un film bateau, il y a un projet,...

le 10 avr. 2016

21 j'aime

3

Raisons d'Etat
filmdeouf
10

L'anti-Jason Bourne

Calez-vous dans votre fauteuil, Raisons d'état prend son temps, et ce n'est pas un film qui séduit son spectateur par des artifices scénaristiques tape-à-l'œil, des rebondissements spectaculaires, un...

le 13 juil. 2017

15 j'aime

Chouans!
filmdeouf
7

Liberté liberté chérie !

Quand je critique des films historiques, je dis tout de suite que je ne suis pas assez savant pour juger de leur exactitude historique. D'ailleurs, peu importe, c'est un film avant tout. Chouans! est...

le 11 avr. 2015

11 j'aime