Cinq ans après le pétard mouillé Prometheus, Ridley Scott reprend le filon avec Alien : Covenant. Les origines du xénomorphe et les motivations de son existence continuent d'être éclairées, les créatures 'de base' et leurs parents proches reviennent à l'écran (il fallait remonter sinon aux Alien vs Predator, excroissances sans prestige). Alien : Covenant s'avère le chaînon manquant entre Prometheus et le quator Alien (fermé en 1996 par le bel opus de Jeunet) ; ce n'est plus une espèce de bonus détraqué mais officiellement un membre de la saga Alien, inséré dans une chronologie qu'il enrichit et non qu'il squatte.


Sur le fond et en terme d'originalité, le résultat n'est pas mirobolant. La paresse est de mise (le plus flagrant : ces membres qui s'isolent pour mieux s'assurer de mourir), l'efficacité aussi. La narration est parfois brutale s'agissant des justifications, enchaînements, voire de la continuité (mais pas d'angles morts ou d'oublis, sauf concernant les 2.000 colons conduits par l'équipage – souvent cités, jamais aperçus, contrairement aux embryons). En revanche, comme simple spectacle, Alien Covenant assure une prestation de très bon niveau, par ses capacités d'entraînement (ou de 'divertissement', entertainment) et ses vertus visuelles. Les codes de l'action ne donnent pas toujours un résultat optimal (certaines agitations sont insuffisamment digérées, engendrant un soupçon de confusion ou appelant des coupes -trop- franches) ; mais la direction artistique est redoutable. Les amateurs de paysages cauchemardesques seront repus et les fans de la saga auront icônes et matières à triturer. Covenant restera notamment (le réalisateur a promis trois suites) le responsable de l'introduction du néomorphe (dont le non-visage rappelle des créations du fantastique espagnol). L'alien historique, c'est-à-dire le xénomorphe, ressemble maintenant à une sorte de démon farceur, avec une démarche de ouistiti ou d'épileptique en état de grâce.


Sur le plan métaphysique Alien Covenant est lisse et synthétique, sans affirmer de génie ou de vraie singularité. Prétendre qu'il gagnerait à se taire sur ce terrain n'est pas aberrant – en même temps, c'est sans commettre de fautes. Les dialogues poussent la logique à fond : grossiers et stylisés, prompts à verser dans la métaphore limpide et jolie, sans grande perspective. Heureusement ce n'est que support et prétexte, à la beauté du geste, du renouvellement d'une mythologie, sans souffrir de la levée des secrets, trop tournés vers la sublimation et le récit subjectif, pas salis par des révélations ou examens rigoureux. Cette stratégie conduit vers la déception lors de la scène d'ouverture, sentencieuse à souhaits (avec le créateur humain et le crée surdoué, tous les deux gênés dans leur puissance, jeunes frustrés dans l'âme et la cinquantaine lourde en apparence) ; elle flatte plutôt David dans son numéro et ses ambitions, apporte un supplément de grâce aux nombreuses montées d'adrénaline, autorise un certain lyrisme décalé (le baiser de la mort, la naissance d'un bébé où le Fassbender obscur lâche son unique sourire). En résumé : Covenant est sans complications, sombre, généreux, avec des ressorts conventionnels et des expressions flamboyantes. En douce, la victoire du Mal et l'obsolescence de l'Homme deviennent une normalité envisageable.


https://zogarok.wordpress.com/2017/05/18/alien-covenant/

Zogarok

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