C’est donc le prolongement du reboot, le deuxième "avant" des quatre suites d’après, l’épilogue du prologue de la quadrilogie future, bref l’autre prequel du segment initial situé juste avant le premier volet des chapitres ultérieurs (?). C’est une œuvre de transition aussi, lourdement explicative car obligée de faire le lien entre Prometheus et Alien (et, de fait, condamnée d’avance dans sa logique narrative ultra balisée), et qui se traîne en longueur afin de rattacher au mieux les deux films. Ridley Scott et ses scénaristes, comme conscients de cet écueil, se forcent à proposer quelques scènes croustillantes (et des clins d’œil par-ci par-là, tel ce personnage de Daniels, clone éhonté de Ripley avec cheveux courts et débardeur suggestif) pour maintenir un semblant de commencement d’intérêt.


S’inscrivant dans un registre davantage mythologique (après le mythe de Prométhée, celui du Créateur) que purement horrifique (celui de la quadrilogie), Alien: Covenant se donne des airs d’explication de texte sentencieuse avec références culturelles à gogo pour faire sens (Wagner, Byron, Shelley, La Nativité de Piero Della Francesca…) et développant une curieuse symbolique égyptienne (le logo du Covenant qui rappelle la silhouette ailée d’Isis, le corps brûlé du commandant enveloppé comme une momie, la salle des papyrus, le poème Ozymandias, les deux "frères" ennemis tels Ramsès II et Moïse, ou évoquant la rivalité entre Horus et Seth…) qui ne débouchera sur rien, sinon une purée métaphysique propre aux scénaristes actuels d’Hollywood dès qu’il s’agit de viser haut.


Le tout emballé dans un magnifique écrin (Scott a du savoir-faire, évidemment), même si, pour une production de ce calibre, les effets spéciaux (en tout cas ceux concernant les créatures et ces affreuses explosions de sang numériques) donnent plutôt l’impression d’une vilaine série B, voire Z. Quant à la ribambelle de personnages qui s’agitent, qui hurlent et qui roulent les yeux de terreur, on ne s’y attache jamais puisqu’entièrement sacrifiés sur l’autel d’une intrigue qui cherche avant tout à combler les trous (alors développer des personnages, non merci, pas le temps) ; de la simple chair à pâté, du bétail bêta attendant sagement son heure avant d’être étripé au fil de situations dont l’originalité n’a d’égale que l’inanité.


L’enjeu même, depuis Prometheus, de vouloir bâtir et embrasser les origines du xénomorphe ressemble désormais à une très mauvaise idée, à un coup pour rien (mais à un coup marketing, assurément). Et c’est ne pas lui rendre hommage et en saccager tout le folklore que de broder ainsi une histoire alambiquée d’êtres supérieurs rattrapés par leurs créations (l’Homme et la Bête) et un androïde devenu fou, sacrifiant au passage tout son pouvoir de fascination (primitif, sexuel, iconique) qu’avait su inscrire H. R. Giger dans nos esprits. Il fallait ne rien dire, ne rien trahir, il fallait préserver le mystère et laisser l’alien, chimère à travers l’espace, à une genèse inexplorée. À sa légende.


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le 15 mai 2017

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