Folie à deux

Aline, cela fait un an qu'on nous en parle et qu'on nous le vend, pour mieux en décaler la date de sortie pour cause de confinement, de réouverture, de fermeture et de reports frileux.

Un an que l'on rêve devant une bande annonce, de voir Valérie Lemercier renouer avec son sommet de drôlerie, et donc avec Palais Royal ! qui date déjà, mine de rien, de plus de quinze ans.

La revoir dans une scène qui fera immanquablement penser à la sale gamine qu'elle incarnait dans une parodie de L'Ecole des Fans vendra un peu de rêve, avant que le spectateur ne se rende à l'évidence : le petit grain de folie qu'il était en droit d'attendre ne pointera plus le bout de son nez.

Pas plus qu'une quelconque folie douce ou biopic décalé, qui auraient pu justifier le fait que Céline soit remplacée, en haut de l'affiche, par sa soeur / cousine / clone Aline. Aucun chemin de traverse, non plus, dans la caractérisation de ses personnages.

Finalement, si on voulait être méchant avec Valérie Lemercier, on pourrait affirmer que ce qu'elle met à l'écran ne s'incarne guère plus que dans une série de vignettes, parfois sympathiques, de la vie de sa star, telle qu'on pourrait l'appréhender via les journaux people cornés que l'on lit chez le coiffeur ou en attendant son tour chez le dentiste.

La vraie-fausse vie d'Aline sera donc survolée de cinq à cinquante-cinq ans, de son Québec natal à Las Vegas, de manière classique et sans aucune surprise. Pas plus que l'on n'apprendra quelque chose de neuf sur son héroïne.

Mais là n'est peut être pas le propos, l'ambition ou la volonté de la réalisatrice. Car si Aline pourra décevoir par l'angle adopté, il reste cependant l'alchimie fulgurante entre la chanteuse et son mentor, l'amour hors norme que se portent ces deux-là, à l'image de leur couple qui a tout de l'improbable.

Valérie Lemercier porte sur Aline et Guy-Claude un regard rempli de bienveillance et de tendresse, ne se moquant jamais de l'aspect nunuche de certaines tranches de vie. Tandis que la dynamique avec son complice Sylvain Marcel irradie l'écran. Tandis que le personnage de la mère d'Aline constitue une force drolatique des plus efficaces.

Il émane donc de Aline un énorme sentiment de tendresse contagieuse que le public adoptera sans trop de réticence... Jusqu'à un final étrange, dont la tonalité tombe comme un cheveu sur la soupe en voulant imiter, visiblement, l'intensité de A Star is Born sans pour autant être en mesure de rivaliser.

L'annonce de Aline par sa réalisatrice ressemblait furieusement à une blague potache. Le film, lui, s'impose comme une lettre d'amour à la chanteuse, un peu trop sage et classique, certes, mais aussi irrigué d'une relation touchante et peu commune.

Behind_the_Mask, toute nue devant un gros poilu.