Inattendu, J. C. Chandor signe un des plus beaux films de l’année, récit épuré d’un homme seul face à l’intransigeance des océans.

Le navigateur, dont on ne connaîtra jamais le nom, ne prononce qu’une poignée de mots sur les huit jours durant lesquels, à la dérive, il perd peu à peu le contrôle sur son environnement. Au générique, seule l’expression “Notre Homme” servira à qualifier celui qui, sans identité précise, cristallise l’essence de l’humanité. Le protagoniste unique – si on ne compte pas la mer – est garant de l’équilibre d’un film dont la simplicité n’est pas un handicap ; bien au contraire.

Une simplicité telle qu’il est difficile d’exprimer les raisons pour lesquelles All is lost frôle la perfection sans nous perdre dans la narration pure. Perdu au coeur de l’Océan Indien, le vieil homme se mesure à la mer, après qu’un container flottant perfore la coque de son voilier. J. C. Chandor relate la décomposition progressive de sa zone de confort, lorsque les éléments matériels nécessaires à sa survie disparaissent.

Il y d’ailleurs une ironie terrible dans la manière dont tout se déclenche. Ce choc insidieux, qui aurait pu être sans conséquences, porté par un immense cube de métal rempli de chaussures bariolées pour enfants, symbole de l’industrialisation à l’extrême venant polluer la nature. Comme une revanche, les flots recrachent avec rage cet artefact de la présence humaine pour mieux se débarrasser de celui qui, en solitaire, avait pourtant choisi de se perdre dans l’immensité. Une ironie qui se répercutera, plus tard, lorsque Notre Homme se heurte au mur de silence que lui opposent d’immenses porte-conteneurs.

Qui a douté des capacités de Robert Redford à porter sur ses épaules vieillissantes le poids d’un film entier ? Sans s’octroyer de capacités surhumaines, il demeure pourtant admirable de classe, de force mentale… et de fragilité, parfois. “Notre Homme”, qui choisit de se raser alors même que son navire est à la lisière du naufrage, refuse de se laisser déshumaniser. Son héroïsme n’est pas physique et il ne s’agit pas ici de prouesses abracadabrantes destinées à souffler le spectateur. All is lost est un survival doux, empreint d’humilité, qui appelle à l’émotion pure, la seule qui subsiste une fois que tout est perdu.
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le 1 janv. 2014

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