--- Cette critique est rédigée en se basant uniquement sur le film ---
Tiré du roman de Bret Easton Ellis, American Psycho retrace l'histoire de Patrick Bateman (Christian Bale), un riche golden boy travaillant à Wall Street, le temple du matérialisme de New York, une ville insomniaque d’un pays qui ne connait pas de limites. En couple plus par habitude que par amour avec Evelyn Williams (Reese Witherspoon), il entreprend l'itinéraire d'un serial killer unique en son genre : un tueur philosophe aux réflexions profondément sociologiques.
"Il existe une image de Patrick Bateman, une sorte d'abstraction mais je n'existe pas vraiment. Ce n'est qu'une entité, quelque chose d'illusoire. Et bien que je puisse cacher mon regard froid et que vous puissiez me serrer la main et sentir ma chair s'agripper à la vôtre, vous pourriez vous dire que nos vies sont comparables. Mais je ne suis tout simplement pas là."
Sous ce masque - à la menthe sauvage - absorbant tout ce qui le démarque des autres, sentant bon la crème antirides et effaçant toute imperfection, se cache un homme profondément torturé face à la réalité de sa condition. Patrick Bateman apparait comme l’ombre de celui qu’il pourrait être si seulement il n’avait pas choisi de devenir le disciple d'une société qui nous dicte absolument tout. De ce que l'on doit avoir (costumes, lunettes, appartement hors de prix), à quels endroits être vus (restaurants branchés, Wall Street) jusqu'à quels cocktails boire et avec qui. Au travers de ses crimes, il libère toute cette frustration, et tente de devenir quelqu'un d'autre - poussant ainsi la métaphore à l'extrême.
- Les goûts musicaux de Patrick Bateman
Impossible de passer à côté de la scène de meurtre du pauvre Paul Allen (Jared Leto), où Bateman - frénétique - nous dévoile pour la première fois ses profondes motivations et son regard sur la société.
"Je trouve que le morceau le plus abouti est Hip To Be Square, la chanson est tellement entrainante que je suis sûr que les gens n'écoutent pas les paroles. Mais ils devraient, parce que ça n'évoque pas que les plaisirs de la conformité et l'importance des modes . C'est un texte qui parle aussi de l'élaboration du groupe dans son ensemble"
Et c'est bien là tout le noeud de l'histoire. La force du groupe sur l'individu. Le pouvoir des apparences. L'homme face à son manque de personnalité, pire, son besoin d'exister au travers des autres, tout le temps - une triste réalité.
Je pense aussi que Phil Collins fournit un travail plus intéressant au sein d’un groupe qu’en tant qu’artiste solo. C’est Sussudio, une chanson vraiment géniale. Personnellement ma préférée".
La force du groupe est donc omniprésente dans ce monde où l'originalité et l'unicité n'existent pas, cette force étouffe l'individu qui subit passivement, comme assommé sous le poids des conventions. Etre ou paraître, telle est la question.
Sensible plus qu'il n'y paraît, il surprend encore lorsqu'il confesse apprécier Whitney Houston et son Love of All : "Ça parle du respect de soi-même et de la dignité. C’est un message universel qui franchit les frontières et réussit à vous donner l’espoir qu’il n’est jamais trop tard pour pouvoir devenir meilleur. Si dans le monde où nous vivons il est impossible de comprendre son prochain, alors autant essayer de se comprendre soi-même. C’est un message important, et même crucial."
Au fond Bateman cherche sa place au sein de cette société dans laquelle il se sent pris au piège. Malgré tout le golden boy veut se prouver - et nous prouver par la même occasion - qu'il y a de l'espoir, et il recherche un échappatoire, une manière de fuir temporairement ce diktat des modes et des convenances. Dans ses nombreux discours souvent ignorés des autres, Bateman se veut optimiste et plein d'espoir pour l'avenir : "nous devons développer la conscience sociale générale et surtout faire que les jeunes soient moins matérialistes." Cette remarque à première vue inoffensive, sonne comme un message d'espoir, sorte de tentative qui aspire à des jours meilleurs pour les générations à venir. Une vision réaliste ou utopiste ? A méditer...
En bref American Psycho c'est l'indifférence. L'indifférence aussi bien dans le crime que dans la vie. La médiocre réalité face au conformisme et l'ultra-matérialisme d'une société sourde et aveugle. Une critique virulente de la société de consommation matérialiste et du capitalisme de masse. Le fléau de l'individualisme et son impact ravageur sur l'homme.
Ainsi laissons le dernier mot à notre ami Patrick Bateman.
"Intérieurement ça importe peu..."