Ayant combattu aux côtés de l'Allemagne et de l'Italie, la Hongrie de l'après guerre doit faire face à sa politique impérialiste. La défaite de Ferenc Szálasi, imposé par Hitler permet aux anciennes victimes des invasions hongroises de reprendre le dessus sur l'ancien oppresseur é le pays voit ses frontières ramenées à celles de 1938.
Tombant ainsi dans la sphère d'influence communiste, l'Autorité de protection de l'État (ÁVH) met fin au multipartisme et Mátyás Rákosi instaure un autoritarisme violent et répressif ayant pour but d'éliminer toute opposition. Il est intéressant de noter que la première réalisation de Makk, alors étudiant à l'Institut cinématographique de Budapest, a été censurée par le pouvoir qu'il dénonce ici.


C'est dans ce contexte historique troublé,à la veille de l’Insurrection de Budapest, que Károly Makk nous fait partager le quotidien de deux femmes, une ravissante trentenaire et la mère de son époux.
Entre les fantasmes sur le mari disparu, emprisonné par le gouvernement, le spectateur constate l'importance de la solidarité, des petites résistances personnelles aux injustices quotidiennes.


Adapté de nouvelles autobiographiques de Tibor Déry raconte son rejet du communisme hongrois alors qu'il fut lui même un proche du parti. Il écrit, décrit, de magnifiques portraits de femmes. Une mère, une vieille dame dont la vie est déchirée en morceaux, pillée, volée et dont il ne reste que l'espoir de revoir son fils, János. Elle vit dans ses souvenirs et cela donne lieu à des séquences oniriques aussi superbes que significatives.
A ce magnifique portrait de la vieillesse, de la fin de vie, s'oppose la dure réalité de Luca. L'épouse qui vit dans l’angoisse de ne pas savoir ce qui est arrivé à l'homme qu'elle aime, qui se bat pour survivre, pour préserver la vie et les rêves de la vieille femme.Renvoyée, dépossédée, harcelée, elle doit faire face et montrer bonne figure pour ne rien laisser paraître de sa détresse. Le lien qui attache ses deux femmes l'une à l'autre, l'amour qu'elles vouent toutes les deux au même homme, l'absent, va se resserrer au fur et à mesure que l'attente se fait longue. Elles attendent, l'une pour mourir, l'autre pour vivre.


L'Humain y est montré dans toute sa beauté, sa lâcheté. Les personnages réagissent au quotidien, face à cette oppression. Ils résistent, s'adaptent, se soumettent ou vivent de compromis.


Réalisé en 1971, soit quinze ans après les événements racontés, Amour est un de ces films rares mis en lumière par le festival de Cannes. Le travail sur les décors, la reconstitution, la splendeur du noir et blanc ont valu au cinéaste les prix du jury et de la mise en scène. De quoi donner envie de découvrir plus de son oeuvre, introuvable en France.

Rawi
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le 16 sept. 2015

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