Pas une analyse, pas une critique, mais un aveu d'échec
Support: Bluray
Si la digestion de L’Enfance d’Ivan avait été facilitée par une durée plus contenue et une limpidité dans le discours, je dois bien admettre que ma séance de Andreï Roublev a relevé du chemin de croix. Je pourrais verser dans une éloge hypocrite d’un monument indéboulonnable du septième art, mais outre le fait que mon apathie générale pour l’oeuvre me met en manque d’hyperboles creuses, une analyse thématique ne ferait que ressasser ce qui a déjà été dit par bien d’autres en bien mieux. Les qualités évidentes sont bien là, mais l’ennui aussi, mettant dans une lumière évidente la superficialité du système de notation qui résumerait toute une réflexion sur une œuvre à l'incontestable foisonnement esthétique et thématique à une simple déchéance de mon intérêt. Alors étayons la déconvenue, et mettons un 7/10 quelque peu aléatoire.
J’ai bien compris, sur Tarkovski comme sur d’autres cinéastes de l’immersion sensorielle (Lynch, à l’évidence), qu’il fallait, pour pénétrer Andreï Roublev, ôter mes lorgnons réflexifs pour m’immerger dans l’émotif pictural propre au cinéma. Mais cette conscientisation ne garantit pas que l’on accroche, et sur une durée de trois heures, on se fatigue à nager derrière l’embarcation.
Que les thématiques liturgiques, celles de la foi et de sa relation à l’art, ne suscitent généralement pas d'appétence chez moi n’ont pas aidé. Qu’il me manque indéniablement un bagage culturel pour saisir certains aspects philosophiques, certaines références à l’image, ne facilite rien non plus. Idem pour la confusion perpétuelle entre les lieux, le réel, les souvenirs et autres allégories, et les personnages à travers les époques.
A ce sujet d’ailleurs, sur les personnages : je ne suis pas physionomiste pour un sou. Dans un film de guerre par exemple, je peine toujours à distinguer les personnages, en uniforme et casqués, retirant tous repères vestimentaires ou capillaires. Alors ici, quand on ajoute des barbes identiques, des changements d’âge, l’absence de teints de peau propre au noir et blanc, et la langue russe (qui m’est évidemment quasi-inconnue) qui ne permet pas l’identification par le phrasé et l’élocution, il m’est bien compliqué de suivre les réflexions sans savoir qui s’adresse à qui.
Incapable de comprendre, et imperméable à la sensibilité présentée donc. Le voyage métaphysique a logiquement été long et âpre, malgré la beauté objective de certains plans, cet art de laisser communiquer la nature au milieu des agitations humaines, et cette incursion dans un milieu étranger normalement intriguant.
J’ai pourtant touché cet état de grâce sur le dernier tableau, celui de la cloche. Il aurait pu se suffire à lui-même tant il a réussi, là où les 2h20 précédentes n’ont pas réussies, à me happer dans la fascination tant attendue. Celle où je ne cherche plus à comprendre mais parvient à ressentir le film.
Il n’est pas exclu que je réitère l’expérience un jour lointain, car malgré l’ennui prégnant, des images restent, des mots résonnent. Mais avant cela, et là aussi plus dilué dans le temps au vu de mon enthousiasme fortement réfréné, je vais continuer à découvrir le corpus d’un maître qui m’est pour l’instant plutôt hermétique. Solaris m’inquiète.