Décidément, Adam Driver est abonné aux ouvertures ratées du Festival de Cannes. The Dead Don't Die de Jim Jarmusch était déjà un grand flop en 2019 (c'est-à-dire lors de la dernière véritable édition cannoise), probablement un des pires films du réalisateur. Cette fois, Annette ne sera certainement pas oublié aussitôt qu'il sera vu, beaucoup considérons même qu'il marque le véritable retour du cinéma.
À cet égard, Annette n'est peut-être pas une ouverture de festival ratée, il contentera tout un tas de gens, mais le film l'est bel et bien, à mon sens.
Je comprends le point de vue des gens qui vont aimer Annette. Le film pourrait apparaître comme une débauche colossale de cinéma. Mais comprendre n'est pas être nécessairement d'accord, comme chacun sait. Et Annette est, à mon avis, proportionnellement aussi raté que ses ambitions sont élevées.
Prenons, par exemple, la somptueuse affiche et la réalité de la scène qui y correspond effectivement dans le film. De l'idée d'une scène qui nous emporterait comme un mauvais nageur est emporté par de hautes et violentes vagues, nous passons en fait à la scène musicale la plus banale du monde : aucuns plans larges, un montage d'une grande banalité, simplement les stars Driver et Cotillard qui font leur show sous la pluie et sur une scène qui tangue, moyennement filmés. Et tout le film est ainsi. Où est la débauche de cinématographie que l'on veut me vendre ? D'une autre manière, je me demande où est la géniale musique que l'on me vend. De la musique qui reste bien en tête, certes, j'en ai entendu, les refrains sont suffisamment simples et répétitifs, mais les belles musiques ? Profondes, émouvantes, bien écrites ?
La plupart des « idées » du film sont d'un kitsch absolu. Un kitsch dont on me retorquera qu'il est voulu. Mais qu'importe s'il est voulu, il n'en reste pas moins d'une laideur et d'une banalité indicible.
Parmi ces grandes idées, la scène où l'on voit le fantôme d'Ann, transparente, dans le lit de Driver, nus ensemble. Wow ! Quelqu'un de décédé est représenté de manière transparente pour lui donner un air fantomatique, quelle idée de mise en scène ! Que dis-je, du génie !
De très nombreux plans avec Annette sont horriblement laids, dignes d'une mauvaise série B. Êtes-vous réellement emportés par ses scènes (à Annette) ? Pour le coup, j'ai bien du mal à y croire...
Les transitions qui parodient le style people sont juste grotesques, gênantes, répétitives (trois fois dans le film me semble-t-il) ! L'aspect très meta du début dit déjà tout du film : il n'y aura pas de film. Ce sera long, mais il n'y aura pas de film. L'ouverture se veut festive, dynamique, mais résulte finalement en un plan-séquence tout à fait mou et banal. De plus, il s'agira avant tout de faire plaisir au fan de Driver et de Cotillard (et Dieu sait que je les apprécie, mais quand ils se font oublier au profit de leur personnage...). Le choix de laisser chanter les acteurs et d'en prendre le son directement est significatif, car s'ils ne sont pas mauvais, ce n'est pas non plus incroyable. La mollesse de l'ouverture est très symbolique à cet égard. Puis réussir à faire cabotiner Driver devrait être un crime. Le filmer aussi longtemps jusqu'à le rendre plat et banal l'est tout autant.
Par ailleurs, sait-on pourquoi son personnage pète un câble, lâche prise, perd pieds ? Bah non, parce qu'on se fiche des personnages dans ce film... Carax introduit également une touche de #MeToo au milieu de son film, on ne sait pas pourquoi, cela arrive comme un cheveu sur la soupe, et ça n'a quasiment aucun effet sur la suite du film.
Il serait aussi temps d'arrêter les blagues sur Marion Cotillard, car finalement ses scènes sont peut-être celles que je sauverais du film, elle a du charisme et le rôle qui lui est donné lui sied à merveille.
Comme c'est très bien dit dans une critique de Critikat, Annette qui était attendue comme un film festif, ou du moins qui devait tout emporter émotionnellement, s'est transformé en étrange film maladif, tragiquement désarticulé.
De plus, les beaux films sur les névroses d'artistes sont légions. Le verdâtre tant aimé par Carax (placé absolument partout dans le film) aurait pu aider à transformer Annette en une belle œuvre qui ferait de son côté maladif un grand atout. Finalement, c'est un édifice bien fragile où les boursouflures sont si répandues qu'il laissera à la porte de nombreuses personnes.