Esprit de corps
De Blandine Lenoir, l'on se souvenait de Aurore, un bel hymne à l'émancipation féminine. Annie colère est dans la même veine, mais avec une charge historique puissante, puisqu'il y est question de...
le 24 août 2022
18 j'aime
2
Annie Colère partait d’une intention noble. Raconter la lutte des femmes pour le droit à l’avortement en France, dans les années 70, à travers l’histoire d’une ouvrière transformée en militante du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), incarnée par Laure Calamy. Voilà un sujet fort, essentiel, historique. On espérait un grand film de transmission, de chair, d’engagement incarné. Malheureusement, on se retrouve face à une œuvre qui, à force de vouloir bien faire, oublie l’essentiel : faire du cinéma.
Ce qui frappe rapidement, c’est la mécanique. Annie Colère semble construit non pas comme un récit, mais comme un programme. On coche les cases : la découverte de l’injustice, la révolte, la politisation, les réunions, les slogans, la sororité didactique… Et parfois, entre deux scènes de conscience féministe, une tentative d’humanité — vite rattrapée par la nécessité de délivrer le message suivant. Résultat : des personnages réduits à l’état de vecteurs idéologiques, qui agissent moins par envie ou contradiction intérieure que pour illustrer une cause. Même Annie, pourtant magnifiquement portée par Calamy, a parfois du mal à exister hors de son rôle militant.
Et quand le film se veut pédagogique, il vire souvent au scolaire. On en vient à assister à des scènes maladroites — comme celle où un groupe de femmes s’observe le sexe avec des miroirs, concluant par un solennel “C’est beau, hein ?”, qui laisse le spectateur mi-gêné, mi-perplexe. L’intention est claire : revaloriser les corps, casser les tabous. Mais la mise en scène, elle, est plaquée, figée, trop consciente d’elle-même. On ne vibre pas, on ne ressent pas : on assiste à une leçon.
Et c’est dommage. Parce que ce combat mérite mieux. Il méritait une œuvre incarnée, viscérale, qui touche par l’émotion, pas par la répétition. À l’inverse, on pense à Erin Brockovich, autre portrait de femme en lutte, qui parvient à être profondément féministe sans jamais nous faire la leçon. Là-bas, pas besoin de slogans : l’histoire montre au lieu d’expliquer. Le cinéma fait le travail.
Ici, on sent le poids du message sur chaque scène. Jusqu’à ce moment où un personnage affirme, en toute sérénité, que l’avortement pratiqué par des militantes serait plus humain que celui fait par des médecins. Là, on ne sait plus si on est dans un film ou dans une bulle déconnectée du réel.
Annie Colère n’est pas un mauvais film. Il est sincère, documenté, utile sur le fond. Mais il pêche par excès de bonne volonté. À force de vouloir convaincre, il oublie d’émouvoir. Et dans cette lutte-là, c’est pourtant l’émotion, pas le didactisme, qui fait changer les regards.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Rattrapages Canal +
Créée
le 11 avr. 2025
Critique lue 36 fois
2 j'aime
De Blandine Lenoir, l'on se souvenait de Aurore, un bel hymne à l'émancipation féminine. Annie colère est dans la même veine, mais avec une charge historique puissante, puisqu'il y est question de...
le 24 août 2022
18 j'aime
2
Je suis présentement à la recherche du cinéma dans ce film. Où est le cinéma ? Hé oh ? C'est bien beau de faire un film militant sur l'avortement et l'accès à la contraception des femmes pour...
Par
le 15 avr. 2023
17 j'aime
4
1960 - Création de la méthode Karman qui consiste à aspirer de façon très simple et indolore, le contenu de l'utérus à l'aide d'une canuleAvril 1973 - Création du MLAC (Mouvement pour la Liberté de...
Par
le 21 août 2022
12 j'aime
1
Diego Maradona est un nom que tout le monde connait. Celui d’un footballeur légendaire mais c’est également le titre du nouveau documentaire d’Asif Kapadia, réalisateur britannique à qui l’on devait...
Par
le 3 août 2019
15 j'aime
3
93 est l'ultime roman de Victor Hugo et n'est pas loin d'être mon favori. Dans les Misérables, le grand père de Marius ne cesse de parler de cette fameuse année 1793 et c'est pour cela que j'ai eu...
Par
le 3 nov. 2015
14 j'aime
3
The Circle est un film très, très intéressant qui en dit beaucoup sur notre époque.Il s'illustre bien plus par son fond que par sa forme. De plus, le casting est excellent, Emma Watson qui joue Mae,...
Par
le 14 juil. 2017
11 j'aime
1