Anomalisa
6.6
Anomalisa

Long-métrage d'animation de Duke Johnson et Charlie Kaufman (2016)

Lost (my mind) in stop motion - Tous les mêmes... et y en a marre...

Je m'attendais à un petit film d'animation sympa avec une esthétique particulière avant mon visionnage et finalement, le scénario a véritablement pris le dessus!


Ce film relève du génie car il mêle parfaitement son fond et sa forme. Dans un premier temps, on s'attarde sur le visuel, original au possible, peaufiné d'une main de maître. Ce degré de détails obtenu en stop motion est bluffant. Les choix sont assumés et desservent le propos. Les deux réalisateurs ont utilisé des plaques amovibles pour déterminer les expressions faciales des personnages, comme c'est habituellement le cas dans ce type de film. Mais ils ont fait fi de la norme et conservé les "coutures" apparentes sans les effacer numériquement. Cette petite touche personnelle intrigue et focalise l'attention du spectateur. La ruse étant que pendant notre fascination face à l'image, on nous pose les éléments d'introduction à l'histoire de manière fluide.


Nous suivons donc Michael Stone, un homme qui coche toutes les cases de la vie réussie : marié, père d'un petit garçon et auteur à succès d'un livre sur les SAV, «Comment puis-je vous aider à les aider ?". L'histoire se déroulera presque uniquement dans son hôtel, loin de chez lui, la veille de sa présentation à une conférence. Il y fera la rencontre d'une femme, pas comme les autres, ou pas.


Le speech est extrêmement simple et nous fait directement penser au Lost in Translation de Sophia Coppola. Cependant, le propos va beaucoup plus loin tout en restant plus proche géographiquement : pas besoin de se rendre au Japon lorsqu'on se sent étranger au monde entier.


Ce film d'1h30 passe en un clin d’œil. Tout est tellement bien lié, de l'émerveillement des sens à la mobilisation des neurones en laissant une place à l'affect non négligeable. En sortant du visionnage, il faut s'avouer qu'il transpire de réalité et que l'extrapolation est riche.
Difficile d'en dire plus sans spoiler et ôter le plaisir du visionnage au lecteur, ce qui serait contre-productif, mon objectif demeurant de faire découvrir cette petite pépite.


L'ouvrage du personnage principal a révolutionné le secteur tertiaire en poussant à une taylorisation des rapports humains à son paroxysme. Tout devient banal dès lors que chacun s'exprime d'une même voie/voix. L'uniformisation des dialogues, des comportements, voire de la pensée, amène à une réflexion profonde bien au delà de la pâte à modeler.


Et me voilà à cogiter après ce long-métrage perturbant au possible: la recherche de la différence est devenue un combat de tous les jours pour notre personnage tout comme dans notre société.
Chacun cherche soi-même à se distinguer de la masse, à faire part de son unicité dans l'univers d'uniformisation que nous avons créé. On se tatoue, on se lance dans des activités qu'on pense insolites et on cherche par tous les moyens à se démarquer tout en partageant le tout sur les réseaux sociaux et au final... on est tous les mêmes... et y en a marre...

Alienure

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