Antichrist n'est pas ce qu'on pourrait appeler un film "facile".

Malgré ses nombreux points d'accroche gore et racoleurs qui feraient presque penser à Saw (le premier), il est plus qu'un film d'horreur, comme le mentionne curieusement une des affiches. En fait, il s'agirait plutôt d'un thriller psychologique, où l'un des deux partis joue le rôle de l'enquêteur, du sondeur d'esprit. Plus curieusement encore, ce n'est pas la première partie qui s'avère la plus démonstrative, mais la seconde, qui fait définitivement sombrer les deux dans la folie.

J'y retrouve Charlotte Gainsbourg dans un même rôle torturé que dans Lemming, où elle cédait plutôt à la paranoïa qu'à la culpabilité. Une fragilité morcelée, ici, en une schizophrénie qui ne demandait qu'à éclater au grand jour. C'est lorsqu'elle se dévoile que le film devient alors plus classique, moins précieux et "contemplatif", plus apte à attirer le chaland de l'horreur planté dans un univers de rednecks. Plus décevante donc ? Plus haletante, c'est sûr, moins obstruée par la lenteur et des dialogues qui n'ont pas vraiment pour autre but que refléter la douleur du deuil.

Mais quand j'entends certains dire que voir un renard parler à l'écran force le caractère ridicule du film, c'est passer totalement à côté de ce qui relève du "premier plan" et du "second plan". Au premier, il y a le rôle de psychothérapeute de Dafoe, au second, il y a sa folie qui fait son nid, par contamination (sexuelle, affective etc.). Dans Melancholia cette frontière était moins palpable, puisque la collision de la planète était concomitante à l'installation de la dépression. La collusion était alors difficile à démembrer, étant trop appuyée par des faits scientifiques rationnels qui cassaient la thèse d'une affabulation de la protagoniste et ramenaient sans cesse le spectateur à la "réalité", à ce qui est vu par tous, et non pas ce qui est imaginé par un personnage en particulier.

Pour la misogynie, il faudra qu'on m'explique. Est-ce que le personnage de Charlotte Gainsbourg représente toutes les femmes ? Le réalisateur considère-t-il forcément, comme son personnage, que celles-ci sont une anomalie de la nature ? Si je me fie à ce que j'ai vu, c'est plutôt l'homme qui est instrumentalisé, tourné en sex-toy par ce que la réalisation veut montrer comme une nympho. Alors oui, c'est l'être fragile instable et un peu "niais" (quand ses pieds brûlent) qui a besoin d'être psychanalysé, c'est l'archetype de la mante religieuse ou de Judith qui découpe son Holopherne en petits morceaux, mais c'est aussi celle qui apporte une réflexion nihiliste sur l'intégralité de la nature humaine, et qui manque véritablement d'affection face au mur de raison (contrairement à sa passion) que représente son mari, absent, placide, stoïque. Doit-on en conclure que toutes les femmes sont nécessairement hystériques ? C'est un peu trop rapide à mon goût...

Alors oui ça baise assez gratuitement, comme pour creuser la thèse du sacro-saint "pulsion de vie / pulsion de mort" déjà en place dans le prologue (sublime, d'ailleurs), mais ce n'est pas un argument suffisant pour casser tout un film qui dit plus que ça, entre les lignes, dans les silences de la première grosse partie, où l'attention a plutôt tendance à s'assoupir alors qu'elle devrait plutôt être en alerte, pour mieux se préparer à un épilogue beaucoup plus rythmé.

Comme Melancholia, il s'agit donc d'un film à revoir (même si ça peut paraître dur...) pour définitivement se faire un avis sur ce qui est sûrement plus qu'une coquille vide.

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le 12 juil. 2012

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