Le film de Caroline Vignal a fait son petit effet durant la période difficile que fut la réouverture des salles de cinéma mi-2020. Contre-toute-attente, il fut même l'un des rares beaux succès de l'année avec 747 942 entrées sur le sol français.
Vignal part d'un sujet assez banal : une femme (Laure Calamy), un amant marié (Benjamin Lavernhe), un rendez-vous qui tourne mal. Sauf qu'ici le quiproquos du triangle amoureux n'en devient que plus explosif quand l'amante décide de faire comme son Jules, qui est accompagné de sa femme et de sa fille (dont l'héroïne est l'institutrice). Le souci est qu'ils font le chemin qu'a traversé Robert Louis Stevenson dans les Cévennes avec son âne. C'est là où le film commence à sérieusement piquer la curiosité du spectateur. Le voyage dans un premier temps, puis le fameux compagnon. Les Cévennes offrent un très beau panorama et Vignal en fait un lieu paisible et en quelques sortes accueillant (on y retrouve même Bambi et Panpan).
Le voyage permet à son héroïne de faire le point sur sa relation, mais aussi sur elle-même. Que veut-elle au final ? Est-ce que cette relation est vouée à continuer ? A t-elle un avenir ? Est-ce que finalement cette rencontre avec la femme de son amant ne sera pas un élément déclencheur, un signe d'émancipation ? L'héroïne n'est peut-être pas dans la meilleure des positions, mais elle fait ce qu'elle a à faire et n'a pas plus besoin de son amant (qui visiblement est très loin d'être le mari idéal). Elle fonctionne à l'instinct et le voyage l'aidera à avancer. C'est là où le parcours de Stevenson est utile à l'intrigue. Lui aussi était parti à cause d'une relation amoureuse tourmentée et en était ressorti grandi. Il en est de même pour Antoinette.
Puis évidemment il y a l'âne. Patrick ne dit rien, n'est pas humain, mais est inimitable. Il comprend sa maîtresse aussi bien qu'il la taquine. Autant dire que Patrick fait beaucoup rire sur l'heure de voyage, valant à lui seul le déplacement, de par ses réactions jubilatoires. Patrick est un vrai personnage à part entière, preuve du travail d'écriture de qualité de Vignal. A lui se rajoute bien évidemment Laura Calamy, absolument pétillante.
Le début montre une situation génialement cocasse avec des scènes aussi évidentes qu'immédiatement drôles. La suite montre énormément de tendresse entre les deux êtres et leur parcours n'en devient que plus intéressant à suivre. De là à prendre un billet pour un voyage avec un âne un peu grognon dans les traces de l'auteur de L'île au trésor, il n'y a qu'un pas.