Présenté dans la sélection Un certain regard au dernier festival de Cannes, le nouveau film du réalisateur japonais Hirokazu Kore-Eda dresse le portrait d’un homme au bord du gouffre. Ryota voit sa vie lui échapper, son premier et seul roman remonte à près de 15 ans, il gaspille le peu d’argent que lui rapporte son métier (pathétique) de détective privée en le jouant aux courses, jusqu’au point de ne plus pouvoir payer la pension alimentaire de son fils. Sa femme, excédée, a décidé de refaire sa vie.
Après la tempête est un film à la construction sobre presque simpliste mais cela contribue à renforcer son propos. De nombreuses séquences évoquent les choses de la vie, les petites complications qui empoisonnent notre existence, les rapports humains délicats, le problème permanent de l’argent et la difficulté d’apprécier le présent. Hirokazu Kore-Eda traite de tout cela et bien plus. Derrière cette simplicité apparente, le réalisateur tisse une œuvre plus complexe qui interroge sur le but de l’existence, comment la vie avale lentement les rêves, ne laissant plus que l’amertume broyée des échecs passés et les rêves chimériques que seul le futur peut apporter.
Acteur fétiche de Hirokazu Kore-Eda avec qui il a tourné I wish il y a quelques années, Hiroshi Abe se dévoile dans ce rôle d’un homme rongé par ses faiblesses mais qui se bat malgré tout, pour ce qui lui tient encore à cœur, pour ne pas partir à la dérive, et plus important encore, pour ne pas finir comme son père, qui est mort sans avoir jamais pu apprécier la vie.
Au-delà des questionnements existentiels que le réalisateur cherche à induire, Après la tempête est une incursion de quelques jours dans la vie d’un homme solitaire, opiniâtre et qui aime à sa façon. Nous suivons ce moment charnière de l’existence d’un homme qui doit affronter sa mère, sa sœur, son ex-compagne, et surtout ses rêves avortés. Le réalisateur japonais explore les facettes de la vie de famille, tendres parfois, dures souvent. Les dialogues, extrêmement travaillés sont un régal mais relèguent peut-être au second plan la mise en scène du réalisateur japonais. Doté d’une photographie remarquable, le film nous plonge dans le calme de la banlieue de Kyoto, quartier morne et abandonné par les enfants qui y ont grandi, et pourtant tellement apaisant. Il n’y a qu’à voir comment Ryota se sent quand il revient chez lui. Référence à l’enfance du réalisateur, originaire de cette banlieue et qui a réalisé ce film en hommage à son père décédé il y quinze ans.
Dans son style contemplatif qui rappelle Hou Hsiao-Hsien ou Jim Jarmusch pour leur poésie et leur sobriété, Hirokazu Kore-Eda réalise un film beau, très juste et d’une grande tendresse.