Me voilà réconciliée avec le cinéma argentin, que j'ai eu l'occasion de débiner maintes fois pour sa lenteur éprouvante, grâce à ce film ultra-lent et hypnotique, qui exploite la vie palpitante et organique de la forêt vierge pour creuser en profondeur dans les arcanes des tragédies humaines. Et écologiques, puisqu'il s'agit d'un plaidoyer contre les spoliations dont sont victimes les petits paysans argentins au profit de grandes industries mortifères qui leur envoie des barbouzes sans âme pour les pousser à signer des actes de cession de leurs terrains. C'est la situation dramatique que vit une paysanne qui voit son père abattu sous ses yeux et se fait enlever par les brutes épaisses à la solde des puissants. Mais le film n'a pas qu'une dimension : au western - exploité à fond, voire de façon caricaturale, lors d'une scène de duel d'un classicisme réjouissant - s'ajoute l'exploration animiste car le personnage principal, mystérieusement sorti de la forêt, sait comment se fondre dans la nature et établir un lien puissant avec la Terre. Rôde un tigre, qui donne lieu à quelques plans tout simplement magnifiques. Tout est envoûtant, et permet d'approcher une autre dimension, qui nous est souvent interdite. Un cinéma fort et profond, dont le rythme contemplatif n'est pas du tout une faiblesse. A voir.