Jeune homme.
Leonor Serraille m’avait enthousiasmé avec son précédent film, Un petit frère, ample fresque familiale étirée sur vingt ans, racontant l’histoire d’une famille originaire d’Abidjan, déployée depuis...
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le 24 oct. 2025
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J'ai beaucoup aimé ce film pour sa poésie. Je suis conscient de ses défauts éventuels, que certains membres du site ne se sont pas fait faute de mentionner, à savoir le côté un peu cliché des personnages et le parcours somme toute assez monotone du film, puisqu'on avance de rencontre en rencontre, sans réelle variation scénaristique : le film se présente comme une suite de rencontres à la faveur desquelles Ari renoue avec d'anciens amis, plus ou moins sympathiques, et qui sont autant de personnages-types. De plus, bien sûr, on pourra reprocher au film de jouer sur la mouvance films pour jeunes hommes fragiles, mais pour moi déjà c'est quand même une mouvance respectable et en elle-même bénéfique, et puis je trouve que c'est bien fait. En fait, comme souvent dans les oeuvres narratives qui fonctionnent par "portraits", on peut choisir entre trouver cela cliché, et retourner la critique en éloge, en considérant que le côté cliché c'est un parti-pris. Pour ma part, j'opte plutôt pour la seconde option. À mon avis le côté un tantinet cliché des personnages que l'on croise (le fils à papa insupportable, la jeune baba-cool lesbienne par-dessus le marché, la racaille au coeur tendre, le daron bourru mais qui a un bon fond) est tout à fait voulu, et fait pleinement partie du côté "galerie de personnages" du film, réglé comme du papier à musique selon un rythme implacable, qui nous fait passer de personnage en personnage, d'un égarement l'autre. Il est exigé par la dimension "sociologique" du film, qui vise, d'une part, à produire une série de personnages de plain-pied dans une catégorie sociale déterminée (même s'il y a de légères variations), et un personnage un peu plus décalé, qui traverse ces catégories sans appartenir pleinement à aucune d'entre elles, me semble-t-il. C'est la dimension sociologique du film qui veut ça ! Et quant à Ari, je ne le trouve pas si cliché que ça : dejà il est prof des écoles homme, ce qui est rare, ensuite il a perdu sa mère, a vécu avec son père et demeure pourtant fragile, pas du tout canalisé par la poigne de fer de son père. C'est un personnage irrécupérable, qui fraie sa voie par lui-même sans parvenir à se soumettre aux sermons dont on le bassine à répétition (son ami fils à papa, son père). J'aime bien ce cheminement solitaire. Je dois dire évidemment que je me suis identifié, étant moi-même le paradigme même du paumé, et je trouve cet air lunaire que le film lui prête tout à fait juste. Le film me fait penser à Vingt dieux, qui était aussi un portrait de cette jeunesse en déshérence, à la fois discrète et omniprésente. Et je dois dire que quand on est soi-même un paumé, c'est assez poétique de voir sa vie, que l'on vit de l'intérieur, représentée, et par là rendue accessible à une perception extérieure : ce que je vis de l'intérieur, je peux avec ce film le percevoir de l'extérieur. Je trouve que ça ennoblit et que ça simplifie à la fois l'expérience. Ça me fait penser à ce que Deleuze appelle des "percepts". Pour Deleuze, l'art consiste à créer des percepts, c'est-à-dire des perceptions qui sont indépendantes de celui qui les vit. Je trouve qu'on a quelque chose de cet ordre-là dans ce film, à la fois par l'extrême proximité du regard (gros plans sur les personnages) et par sa dimension de "survol" (on vagabonde de personnage en personnage, de lieu en lieu). Quand vous êtes vous-même quelqu'un de perdu dans la vie, c'est surtout de la souffrance et de l'angoisse, mais quand vous le voyez de l'extérieur, vous voyez tout de suite la poésie, et aussi la grande légèreté, de ces vies sans témoins. Je trouve ça beau, de façon générale, de filmer l'imperceptible, ou du moins l'inaperçu, ces personnages tout petits qui deviennent invisibles à force de discrétion. En voyant ce film, je me suis senti allégé. Comme si on rendait sa fraîcheur à une expérience d'ordinaire alourdie par l'angoisse et l'incertitude. Ou alors comme si on innocentait l'innocence, comme si on la lavait du caractère fautif dont on l'accable habituellement, en rendant les gens coupables de leur propre naïveté, de leurs propres failles.
Créée
le 22 oct. 2025
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Leonor Serraille m’avait enthousiasmé avec son précédent film, Un petit frère, ample fresque familiale étirée sur vingt ans, racontant l’histoire d’une famille originaire d’Abidjan, déployée depuis...
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le 24 oct. 2025
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le 22 oct. 2025
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Je pensais que c'était un biopic sur Ari Aster, mais c'est juste un téléfilm Arte lénifiant qui empile les clichés et confirme tous les a priori sur les téléfilms. C'est écrit à la truelle, mal...
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