Sorti en 2022 a réalisé par Rodrigo Sorogoyen, As Bestas est un film franco-espagnol tourné en espagnol avec deux têtes d'affiches françaises (Denis Ménochet et Marina Foïs). C'est un thriller sombre, sans le moindre rayon de soleil. C'est un film très dur aussi et qui aime prendre son temps pour installer le malaise. L'atmosphère est irrespirables, avec des scènes de dialogues sous haute tension. Et en cela, la performance des acteurs est vraiment à saluer. Et si vous aimez les longs plans séquences léchés, alors vous serez aux anges. Le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen maitrise son sujet et on sent qu'il a fait attention au moindre détail de mise en scène et de direction d'acteurs.

As Bestas, c'est l'histoire de ce couple Antoine et Olga (Rodrigo Sorogoyen) qui se sont installés en Espagne, dans les montagnes de la Galice, pour y faire pousser des salades et des tomates. Ils pensaient pouvoir vivre une vie simple et paisible d'agriculteurs, sauf que sur place, ils font la connaissance de leurs voisins, les deux frères Xan et Lorenzo (Luis Zahera et Diego Anido), ainsi que de leur mère, qui ne voient pas d'un bon œil leur présence dans ce petit village de Galice. Les relations vont très vite s'envenimer entre Antoine et les deux frangins, faisant craindre le pire pour lui et pour sa femme. En tout cas, ils ne veulent pas partir, pas après avoir tout investi dans ce nouveau projet (le projet d'une vie) ... mais quel en sera le prix payer ?

Attention, As Bestas est un film très sombre et froid, avec des scènes absolument terribles. Antoine et Olga sont vus comme des étrangers indésirables, ils sont déclarés persona non grata. Leurs vies vont alors être mises en danger, mais c'est Olga qui craint le plus pour la vie de son mari. Antoine étant un ancien professeur de français érudit, il se met à dos les deux frères qui sont quant à eux un peu arriérés et simples d'esprit. Et qui plus est, ils jalousent Antoine, pour son niveau d'érudition donc, mais aussi pour sa femme, eux qui n'ont jamais été mariés et qui n'ont probablement jamais connu de femmes. Nous sommes dans un petit village avec que des personnes âgées et que des hommes, donc difficile d'y rencontrer une jeune femme. Tous les jeunes du village sont partis et il ne reste plus que les deux frangins de 45 et 52 ans, seuls avec leur mère âgée.

Les deux frères vivent dans la misère, mais voilà qu'arrive une société norvégienne d'éolienne qui leur propose de racheter leurs terrains. Cette opportunité leur permettrait de quitter cette vie de misère, pour refaire leur vie à Barcelone avec leur mère. Le seul hic, cette qu'il faut que tous les habitants de cette petite bourgade signe l'accord, ce que les français nouvellement arrivés ne veulent pas faire. Il faut donc choisir son camp, les deux frères qui ont trimé toute leur vie et qui ont bien mérité cette lueur d'espoir, ou Antoine et Olga dont on sent bien que ce projet peut être vu comme un caprice de riches. Antoine plus particulière, peut être vu comme un français arrogant, un empêcheur de tourner en rond, un bobo parisien qui ruine les espoirs des deux frangins.

L'opposition entre les deux frangins locaux et Antoine est très intéressante. Rodrigo Sorogoyen aime prendre son temps pour faire monter la pression. Alors certes, le film est parfois très lent, mais ça se justifie pleinement. C'est pour installer une ambiance oppressante, qui va crescendo, jusqu'à l'inévitable conclusion de cette montée en tension. La scène d'introduction revient d'ailleurs, comme en écho, à ce moment là ...

Les deux frères vont piéger Antoine sur un petit chemin en bordure de forêt. Cette scène vient en écho avec la scène d'introduction, lorsque les deux frangins immobilisent un cheval pour une procédure assez technique, dont je vous épargnerai les explications, surtout que je ne suis pas sûr d'avoir bien compris à quoi ça sert. Mais peu importe, les deux frères vont immobiliser Antoine, de la même manière qu'ils immobilisent le cheval, pour le faire suffoquer, entrainant ainsi sa mort.

Le personnage le plus intéressant du film, c'est peut-être bien Olga. C'est l'épouse fidèle et complice d'un homme résolu, dévouée à son mari, qui semble accepter que son mari prenne toutes les décisions. Sans être une femme soumise, le film montre de nombreux moments de tendresse entre eux deux, elle va quand même en subir les conséquences ...

Elle va se retrouver toute seule et vivre à côté des meurtriers de son mari, n'ayant pour seule visite, sa fille Marie (Marie Colomb) qui habite toujours en France. Pourquoi reste-t-elle là, seule et dans la misère, au lieu de retrouver sa fille en France ? C'est parce qu'elle veut retrouver le corps de son mari disparu, ou du moins des indices qui pourraient faire condamner les deux frangins.

Bref, As Bestas est un film glaçant (y'a pas meilleur adjectif pour le qualifier) qui prend place dans des décors naturels magnifiques. C'est ce contraste entre l'atmosphère glaçante du métrage et les paysages majestueux de la Galice, qui donne ce cachet si particulier au film. Rodrigo Sorogoyen joue beaucoup sur les contrastes et les relations ambiguës. Et pour finir, un mot sur Denis Ménochet et Marina Foïs, tous deux parfaits. Et si Denis Ménochet est très imposant et pas que physiquement, c'est surtout Marina Foïs qui impressionne le plus et surprend. Son jeu est très subtil et on sent la transformation du personnage qui prend toute son ampleur sur la dernière partie du film.

lessthantod

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