Que je sois endormi ou réveillé...

C'est grâce à Arté qu'on a l'immense chance récemment de découvrir Ryusuke Hamaguchi. Traînant derrière lui une carrière déjà bien entamée de 17 longues années, ses films n'ont jamais été distribués en France. Après Senses sorti en 2018 et avant Passion sorti en novembre 2019, il était temps de visionner Netemo Sametemo (traduction: "Endormi ou réveillé", "que je sois endormi ou réveillé") rebaptisé Asako I & II chez nous. Avec une bande annonce fantastique bercée principalement par la douce voix d'Erika Karata (L'actrice jouant le rôle principal d'Asako) et de A la Folie de Juliette Armanet en version japonaise, il est difficile de contenir mon enthousiasme. Il faut dire que cet avant-goût avec quelques arrangements pourrait presque passer pour un spot publicitaire pour des cosmétiques ou même un site de rencontre. Je suis persuadé que ça passerait crème au Japon (peut-être moins en France où on préfère généralement les trucs un peu plus dynamiques). Dès les premières secondes, on est directement charmé par la beauté naturelle de la nouvelle muse du Japon, Erika Karata, véritable découverte!


Alors qu'en est-t-il du film exactement? Un pitch qui laisse transparaître une histoire d'amour lambda, mais c'est sans compter la petite touche de Hamaguchi qui laisse une empreinte fantastique à son œuvre laissant son personnage principal tiraillé par le passé, rêvant éveillée alors que tout son entourage évolue au cours de l'histoire. Le film démarre rapidement et laisse que très peu de temps au premier amour d'Asako, Baku (Masahiro Higashide), de se faire une place dans l'histoire. Et pourtant cet amour bref aura un impact conséquent sur la vie de la jeune fille qui aura du mal à s'en remettre. Baku est un jeune homme insouciant, très égoïste, ses apparitions et disparitions constantes laissent toujours derrière elles une empreinte imaginaire, notamment car il promet toujours à Asako de revenir la chercher. Il faut savoir que le Baku, à l'origine, est un démon du folklore japonais qui se nourrit des rêves des gens. Le parallèle est ici fait par le réalisateur, comme si le démon avait pris forme humaine et les conséquences de ses actes sont destructrices pour Asako qui est complètement aveuglée par leur amour de jeunesse. Après plusieurs années, elle rencontre par hasard Ryohei (Masahiro Higashide, oui encore lui, il en a de la chance hein?) , le portrait craché de Baku. Il partage les mêmes traits mais est beaucoup plus attentionné et terre à terre. Leur relation a beaucoup de mal à démarrer, Asako est perturbée et Ryohei a beaucoup de mal à comprendre la situation. Le grand tremblement de terre de 2011 sera le déclic du nouvel amour de la jeune femme. Mais alors que leur relation semble partie pour durer, Asako revoit une amie d'enfance et apprend par la même occasion le retour de Baku.


Ryusuke Hamaguchi semble se détacher petit à petit des codes et mœurs Japonais. Comme dans Senses, il accorde ici beaucoup d'importance au toucher et à la communication. A la première rencontre avec Ryohei, Asako n'hésite pas à lui poser des questions personnelles, à le dévisager et à toucher son visage directement. Elle ne rechigne pas non plus à dire ce qu'elle ressent, une foule de sentiments qui sont habituellement très peu exposés dans les films Japonais. On ne cherche cependant pas à nous vendre une histoire d'amour à l'eau de rose, la fin du film n'hésitant pas à nous remettre en place. Asako sait ce qu'elle veut mais semble retenue par ses sentiments passés mélangeant rêve et réalité, ou plutôt refusant le passage à la réalité morne alors que ses amies continuent leur bout de chemin. Ses actes auront pour conséquence de la réveiller, mais les choses brisées resteront brisées. Il n'y a pas de miracle, tel le dernier moment du film, les yeux portés sur la rivière qui n'hésite pas à nous faire une petite piqûre de rappel sur la vie. Les musiques de Tofubeats font mouche, très discrètes mais toujours au bon moment. Le thème électronique qui démarre lors de certains passages avec Baku est superbe et la chanson de fin River a même droit à son clip avec la somptueuse Erika Karata, qui est officiellement devenue ma Baku!

-Jun
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le 17 janv. 2020

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-Jun-

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