Cinexpérience3


Certainement pas dépourvu d'esthétique, et diffusant tantôt clairement tantôt subtilement son message, Asphalte reste un film qui m'a plongée dans le même ennui que celui que ses protagonistes subissent au quotidien.


Ce déroulement mollasson est parfois illuminé de quelques éclairs comiques, mais la plupart m'ont laissée de marbre (contrairement à une partie de la salle - peut-être mon côté rabat-joie).


Un peu déçue au final, surtout quand il m'est rappelé lors de l'intéressante séance questions / réponses avec le réalisateur qu'il est le papa de "J'ai toujours rêvé d'être un gangster", que j'ai beaucoup apprécié.


édit : suite à la judicieuse remarque de Léonard_Lylye, en avant pour la version longue ! (Contrairement à la version courte, celle-ci contient un certain nombre de spoils... Difficile d'expliquer mon rejet de certaines parties du film sans les expliciter !)


Asphalte, c'est trois histoires, dont deux en partie basées sur les Chroniques de l'Asphalte, écrit par Benchetrit (le même que celui qui fait le film dont on parle).


C'est là que le bât commence déjà à blesser pour moi : ces trois histoires n'ont en commun que le lieu où elles se situent - la banlieue, et leur thématique. Inutile d'attendre que ces trois histoires se rejoignent ou qu'au moins les personnages se croisent : ça n'arrivera pas. Trois rencontres, on vous a dit (sauf pour ceux qui sont allés voir ce film à l'aveugle).


Trois rencontres...
Trois couples.


Le premier, rencontre saugrenue entre un avare qui par une succession d'événements (censés dérider le spectateur réceptif par leur comique de situation) se déplace en fauteuil roulant, et une infirmière visiblement fatiguée de l'existence, m'a à peine fait réagir, sinon par son pathétisme. Evidemment, on va parler ici d'une histoire d'amour improbable.
Comme l'a avoué le réalisateur, il n'est aucunement question d'une telle amourette dans son livre. La nouvelle originale parle d'un homme qui meurt seul, sans trouver l'amour, d'une façon glacée d'humour noir. J'aurais trouvé ça bien plus honnête. Ici, on essaie de me vendre de la tendresse après m'avoir incitée à railler cet homme complètement pauvre à l'intérieur...


Le deuxième, une histoire originale écrite pour le film, est déjà un peu plus intéressant. On y suit un jeune ado aux routines bien précises :


le matin, je ne vois pas ma mère, je bois mon lait à la bouteille (en gobant le goulot, étrange...), je prends mon vélo pour partir à l'école. En revenant, je m'arrête une minute le temps de saluer mes deux potes défoncés à la marijuana, et de suivre le petit événement quotidien de mon petit immeuble en béton : une voiture de racailles qui passe, musique et basses à fond. Je bois mon lait à la bouteille (oui, encore !), je m'ennuie, je mange aussi (sûrement) et le lendemain tout recommence.


L'emménagement d'une voisine un peu excentrique interrompt tout ça. Mais quel dommage, dès qu'elle parle, le silence de l'immeuble qui amplifie chacun de ses mots, son manque d'expression, tout souligne sa fausseté.
Heureusement, ce couple nous permet d'observer la cage d'escalier, qui regorge de petits tags amusants, et Dédé est tout de même un bon ami bien drôle (on échappe d'ailleurs à un stéréotype : Dédé n'est pas noir).


Et le meilleur pour la fin, le seul duo dont l'alchimie fonctionne réellement (et qui offre quasiment à lui seul les trois points que j'attribue film) : un astronaute américain, atterri par le hasard des calculs au sommet de l'immeuble, doit séjourner chez une mama maghrébine. Passé l'atterrissage absolument incohérent (mais avec de belles images, donc ça passe), il y a ici une vraie authenticité dans les échanges entre les deux acteurs, dans ce qu'il se passe :


du couscous au thé à la menthe, en passant par la combinaison dans le lave-linge


, il y a tous ces petits détails que la plupart d'entre nous ont déjà vécu chez la grand-mère, la grand-tante ou la mère du meilleur pote.
Hélas, ces petits moments de plaisir sont noyés au milieu d'1h40 de film comme la Terre dans l'immensité de l'espace...


En y repensant, il y a d'ailleurs un troisième personnage en filigrane de ce duo, et qu'on finit par voir réellement : Majid, le fils de Madame Hamida. Il nous fait beaucoup rire avec ses expressions de racaille, ses petits tics, son côté fils à maman, suffisamment pour nous faire oublier qu'il fait l'aveu le plus triste du film : je suis en prison, coincé dans une spirale de laquelle aucun service social, aucune formation d'électricien de deux semaines, aucun loukoum ne me sauvera. Tellement de tendresse dans ce film...


En écrivant la version longue de cette critique, je me rends compte qu'il y a un tas de tous petits détails qui m'ont plu, qui m'ont distrait un bref moment du manque d'intrigue total du film (si on excepte le son mystérieux qu'on entend régulièrement, mais qui ne ressemble pas du tout à un cri). Et je regrette réellement de ne pas avoir apprécié l'humour, d'être complètement passée à côté de la musique (d'ailleurs, il y en a de la musique ? Je ne me souviens que du dernier thème - apparemment composé par Raphael - qui ne m'a absolument pas transportée...), bref, d'avoir sombré dans le même ennui que la plupart des protagonistes, malgré m'être battue pour en sortir.

Melodron
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le 17 sept. 2015

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