Assaut
6.4
Assaut

Film de Adilkhan Yerzhanov (2021)

Voir le film

Une prise d’otages traitée sur le mode absurde

Adilkhan Yerzhanov (7 août 1982, Kazakhstan - ) et les Etats-Unis se situent aux antipodes, à la fois géographiquement et artistiquement, en tout cas pour ce qui est du cinéma le plus commercial et le plus diffusé en provenance du pays de l’Oncle Sam. Le choix et le traitement du sujet proposé par Assaut est en ceci exemplaire : une prise d’otages dans un établissement scolaire.

Le cinéma américain commercial se ruerait sur le sensationnel, la testostérone exhibée par les assaillants comme par leurs opposants, l’héroïsme, le sang, la mort… Tous composants qui sont radicalement absents de ce nouveau long-métrage du prolifique réalisateur kazakh. Les « méchants » sont sans origine ni revendications, mais bien armés et avec le visage couvert par de grands masques blancs, comme taillés, et semblant tout droits venus d’une tragédie grecque antique. Les sept « gentils » qui vont se liguer pour tenter d’arracher les enfants aux griffes des prédateurs ont aussi peu le profil de combattants les uns que les autres. Parmi eux, les deux parents, séparés, de l’un des enfants retenus : Lena (Aleksandra Revenko) et Tazshi (Azamat Nigmanov), professeur de mathématiques à l’origine de l’« oubli » d’une classe dans le collège, alors que toutes les autres ont pu être évacuées…

Une fois la situation mise en place par le réalisateur et scénariste, ainsi que la tension au sein de l’ancien couple parental, l’essentiel du long-métrage se concentre sur les débats invraisemblables animant la petite troupe héroïque et les divers entraînements auxquels ils se prêtent, tous plus déroutants les uns que les autres, à l’image des différentes stratégies d’attaque qu’ils élaborent.

L’image d’Aidar Sharipov, dans des paysages d’une blancheur absolue qui semblent annoncer ceux qui serviront d’écrin au dernier Nuri Bilge Ceylan, Les Herbes sèches (2023), participe à cet effet de rupture totale avec le monde prétendument logique et rationnel - encore que de moins en moins… - dans lequel nous vivons. L’histoire semble s’inscrire dans un pays lunaire, invraisemblable, non terrien. La suite des événements, l’« assaut » lui-même, éponyme, son résultat, puis, par ricochet, ses conséquences, sont régis par ce même règne de l’inconcevable.

Adilkhan Yerzhanov propose un cinéma radicalement singulier, potentiellement déroutant, mais qui a l’immense mérite de rompre de façon absolument impériale avec le cinéma des attendus et de la prévisibilité. 



Critique également disponible sur le Mag du Ciné : https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/assaut-film-adilkhan-yerzhanov-avis-10061426/

AnneSchneider
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films où il est question de la paternité, frontalement ou latéralement.

Créée

le 14 juil. 2023

Critique lue 407 fois

10 j'aime

Anne Schneider

Écrit par

Critique lue 407 fois

10

D'autres avis sur Assaut

Assaut
kinophil
6

Critique de Assaut par kinophil

Dans le village de Karatas (ville fictive récurrente chez Yerzhanov ), un établissement scolaire perdu dans l’immensité d’une steppe enneigée ; quelques hommes masqués y pénètrent sans que personne...

le 16 juil. 2023

2 j'aime

Assaut
Cinememories
7

Leçon de pragmatisme

Adilkhan Yerzhanov lâche enfin les taureaux, après un « Ulbolsyn » décalé et terriblement tordant. En assumant l’humour de son écriture, il donne un autre souffle à ses thrillers, toujours dans la...

le 10 avr. 2022

2 j'aime

Assaut
Cinemaxipotes
9

Les bronzés font du contre-terrorisme

Que se passerait-il s’il ne fallait que le CAPES pour intégrer le GIGN ? Au diable l’absurdie, les professeurs du collège de Karatas, petit village isolé du Kazakhstan, se décident à remplacer les...

le 29 juil. 2023

1 j'aime

Du même critique

Petit Paysan
AnneSchneider
10

Un homme, ses bêtes et le mal

Le rêve inaugural dit tout, présentant le dormeur, Pierre (Swan Arlaud), s'éveillant dans le même espace, mi-étable, mi-chambre, que ses vaches, puis peinant à se frayer un passage entre leurs flancs...

le 17 août 2017

77 j'aime

33

Les Éblouis
AnneSchneider
8

La jeune fille et la secte

Sarah Suco est folle ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit la jeune femme débouler dans la salle, à la fin de la projection de son premier long-métrage, les lumières encore...

le 14 nov. 2019

73 j'aime

21

Ceux qui travaillent
AnneSchneider
8

Le travail, « aliénation » ou accomplissement ?

Marx a du moins gagné sur un point : toutes les foules, qu’elles se considèrent ou non comme marxistes, s’entendent à regarder le travail comme une « aliénation ». Les nazis ont achevé de favoriser...

le 26 août 2019

71 j'aime

3