Quand d'un ciel de printemps l'aurore qui ruisselle Se brise et rejaillit en gerbes de chaleur

Enfin, ENFIN mon Herzog annuelle est arrivé. Ma dose d'accent allemand qui coule dans mes oreilles mmmmh quelle régale. Voir un nouveau film d'Herzog est pour moi toujours un plaisir. Prit par la surprise de l'annonce que je n'attendais pas je lança le film sans savoir autre chose que son titre... Hélas pour voir que la version allemande n'avait pas de sous titre. Ni une ni deux ma névrose s'emporta et je créais une version de substitution en le lançant une deuxième fois mais cette fois-ci en VF sans le son mais les sous titres pour malentendants en essayant d'ajuster au mieux les deux versions ensemble.

Et qu'elle ne fut pas ma non-surprise de constater encore une fois la supériorité d'Herzog qui nous délivre un petit bijou, revenant de différentes façon sur sa carrière, sur différentes oeuvres et en même temps délivrant de çà et là des instants de pur poésie qu'il n'avait encore jamais abordé.


Sur les comparaisons trois films viennent quasi immédiatement en tête : Into the Inferno, Leçon de ténèbre et Grizzly Man. La première fait sens pour tous ceux qui l'ont vu car le sujet même de ce film fut déjà abordé dans Into the Inferno, un couple de volcanologues français ayant filmés pendant 25 ans des volcans en éruption jusqu'à leurs morts prématurées par l'un d'entre eux au Japon sur le mont Unzen. Ça le thème de la volcanologie qui sied parfaitement à Herzog avec sa vision à la fois répulsive de par sa dangerosité et attractive par la fascination défiant toute logique de la nature, incarné parfaitement par les volcans. Le rapport avec Grizzly Man coule de source aussi, le film que l'on voit n'a pas été réalisé par Herzog, ce sont les images des Krafft que l'on voit tout du long. Et la façon dont Herzog décrit ses images est très amusante car il sait que ce ne sont pas les siennes. Il en fait même tout un sujet d'analyse car il va décrire chronologiquement l'évolution de ses images et par là même la naissance de cinéastes. En passant par leurs débuts médiocre, tremblotants, mal à l'aise devant la caméra. Prenant de plus en plus forme avec leurs petits bonnets rouges de Commandants Cousteau des profondeurs de la terre. De moments captés parfaitement lunaire en ce demandant sur les centaines d'heures qu'ils ont produites comment il a pu découvrir ça avec des touristes en bikini et talons haut sur un cratère. Et enfin de la beauté qu'il arrive à capter, de leurs talents de plus en plus évidents pour la composition de plan, de captation sur ce qu'ils voient. De maisons ensevelis sous du sable volcanique noir avec sur le dessous de l'image, à l'arrière un mouvement de fumée. De Katia marchant sur un sol blanc où chaque pas fait remontant un nuage de poussière. Mais Herzog exprimme aussi sa fascination sur le décalage progressif de leurs films qui furent avant tout scientifiques mais devinrent de plus en plus humanistes. Captant les visages d'habitants aux villages ravagés par un lahar, une coulée de boue induite par l'éruption d'un volcan sur une zone enneigée. De personne obligée de vivre avec des sacs en plastique sur la tête pour leurs courses, sur un vélo ou en voiture à cause des retombée volcanique ambiante.


Je viens d'en évoquer plusieurs mais comme d'habitude ce que j'ai adoré dans ses films c'est cette façon dont Herzog capte des moments pour les faire siennes et les transformer en poésie. Il n'a même plus besoin d'avoir une caméra pour créer des images Herzogienne. Il n'a qu'à prendre de simple image de pierre qui roule, puis en une simple phrase évoquant la puissance magistrale des volcans donnant une force telle qu'elle extrait les pierres de leurs conditions naturelles, et les fait mouvoir. Avec cela, une simple musique et les images qu'il a trouvé il rend... non il créait un instant transcendantale. Que seul lui arrive à créer. Comme toujours impossible de tous les citer sans que cela ne devient indigeste (si ça ne l'ait pas déjà) mais laisser moi citer ceux qui m'ont le plus ému, de par la pureté de ce qu'il montre, évoquent, parle au fond de l'âme. Cela va du jour transformé en nuit par une éruption, d'arbres calcinés étendus sur des kilomètres, d'une boule de magma formant en continu de la roche ductile retombant en dessous et créer ce cycle fasciant, j'ai été surpris d'être émus par une simple image de branches mortes sortant d'un sol noircie en contre-jour, la poussière virevoltant au grès du vent. Ses images, comme Leçon de ténèbre, semblent sorties d'un autre monde. Le réel nous écrase, nous broie. Et Herzog prend cette incandescence pour en faire de l'art.

J'évoque rapidement la musique du film, comme toujours la place de la musique chez Herzog est primordiale pour créer cet enchantement. Avec ses sons dissonants fait par Reijseger pour le film, le choix de musique classique toujours parfaitement utilisé ou ce petit son hispanique utilisé deux fois avec cette femme chantante. Je suis encore plusieurs jours après mon visionnage enivré par ses sons se mélangeant et enrichissant les images que j'ai pu voir.


Voilà maintenant que j'ai pu exprimer tout le trouble émotionnel qu'à créer en moi le film je vais essayer d'être un peu plus analytique sur cette dernière. Ce documentaire s'inscrit dans une longue lignée de biographie qu'à faire Herzog sur ses hommes et femmes iconoclastes. À chaque fois il montrait la complexité, voir l'antipathie de ces personnes. Que ce soit l'absence d'empathie jusq'à un moment fatidique dans Gasherbrum. L'impassibilité face aux dangers dans Les Ailes de l'espoir. Mais aussi le plus important, la déchirure qu'ils ont avec la nature. Appelé à y aller par une matrice intérieure où ils ne peuvent s'épanouir que là-dedans, mais paradoxalement les détruits aussi. La Grande extase du sculpteur sur bois, The White Diamond où Grizzly Man évoque ça. Et là je ne serais dit si c'est par hommage mais la présentation des Krafft a en cela de particulier qu'il va à l'encontre de cette constante de presque 50 ans chez Herzog. Lorsqu'on les voit à 10 mètres d'une coulée pyroclastique et qu'il ne bouge pas d'un iota. Voir à un mètre d'un magma à 1000°C et qui semble ne faire qu'un avec dans l'image, une forme de positivisme s'empare de l'oeuvre. Le feu des volcans ne fait qu'un avec la flamme intérieur qu'ils partagent. Ils sont imperturbables face à la nature voit la mort. Et à la fin du film lorsqu'on l'on voit les dernières images des Krafft et leurs tombes au pied du volcan, on a presque la sensation qu'ils n'ont fait qu'aller là où ils ont toujours tendu vers. Il n'y a pas de paradoxe entre eux et la nature, il n'y a qu'un bloc fascinant par l'ampleur et la folie typiquement herzogienne que ça induit.


Comme d'habitude Herzog ment, nous sommes face à une biographie, mais bien plus profonde qu'une simple fiche Wikipédia. Ici il sonde l'âme de ces personnes hors normes. Et en même pas 1h20 j'ai vécu un tourment intérieur si puissant que j'ai encore du mal à m'en remettre. C'est une mosaïque de fragments épars, hétéroclite de poésie. Herzog a cette force qu'avec sa simple vision, son regard sur des choses qui ne sont pas siennes il crée de l'art.

Pour aussi rendre hommage à ma manière à ce couple qui à filmer avec tant de justesse ce qu'ils ont vu, à ce magnifique film ainsi que pour rendre hommage à un récent réalisateur qui nous a quitté je citerais Louis d'Aragon :

"Quand il faudra fermer le livre ce sera sans regretter rien. J'ai vu tant de gens si mal vivre et tant de gens mourir si bien."

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le 15 oct. 2022

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