Il est de ces films très imparfaits dont on a envie de dire que du bien.
D'en relever les saveurs.
D'en exalter surtout les qualités (mais sans tout à fait omettre, vous connaissez mon proverbial seul sens l'objectivité, les quelques défauts).

Se mettre sur son 1931.

Maurice Tourneur père de Jacques (d'ailleurs monteur ici), est d'abord un des grands cinéastes de la période muette. Des historiens du cinéma américain comparent son influence à celle de Griffith et d'autres estiment qu'il a pu inspirer des réalisateurs comme Fritz Lang. Je n'invente rien, c'est même écrit sur le dos de la pochette du coffret qui réunit 5 de ses films et qui vient de sortir en cette fin d'année 2012, cautionné par Bertrand Tavernier.

Ses premiers pas dans le parlant sont donc passionnants à plus d'un titre et ce "au nom de la loi" en particulier.
Polar atypique puisque Tavernier parle même de film prototype (dans la mesure où il ne ressemble à aucun film fait avant lui et aucun réalisé après) qui s'appuie sur l'adaptation du roman de Paul Bringuier,
Il est remarquable pour plusieurs raisons.

D'abord par ses décors et ses atmosphères. Regarder des films vraiment anciens procure toute une batterie de plaisirs inédits. J'ai déjà évoqué la possibilité de (re)découvrir les plus belles filles d'une pelletée de générations, et il y a aussi la redécouverte de ce qui constituait l'esprit d'une époque. Ces détails de la vie quotidienne, ces plans de rues, de bars, de ces choses qui, même parfois reconstituées en studio, ne peuvent mentir sur des habitudes, des mentalités qui peuvent nous paraitre aujourd'hui totalement absurdes ou au contraire parfaitement admirables.

"Au nom de la loi" regorge de ces moments inégalables. Les images de Georges Benoît et Marc Bujard sont somptueuses et magnifient des extérieurs envoûtants.
Quand on passe en intérieur, les décors de Jacques Colombiers sont à la hauteur on on jurerait vivre quelques minutes aux côtés de nos joyeux pandores.

Le film fourmille de détails stupéfiants sur la police de 1931. Des bus ouverts au "brigades des gaz", de l'utilisation des boucliers aux méthodes pour déloger un malfrat d'un appartement (autrement plus efficace que dans l'exemple récent de Mohammed Merah, si vous voulez mon avis) de la tenue de cahier de police dans les rades borgnes à la façon d'utiliser ses indices pour obtenir des pistes, un véritable catalogue des us et coutumes de la flicaille d'il y a 80 ans.
Et rien que pour ça…

Chapitre mentalité et air du temps, apprenez que quand on s'enfile un peu de "coco" dans les narines au début des années 30, il ne semble pas que ce soit encore le motif d'un mise au placard.
Ah, et j'allais oublier l'inoubliable: certaines scènes sont grandioses, comme celle de l'interrogatoire qu'on jurerait voir extrait d'un épisode imaginaire de la caméra explore le temps.

"on est toujours libre quand on a envie de l'être"

Alors l'histoire, me direz-vous ? Les détails marquants du film ?
Le meurtre d'un flic ambitieux mais légèrement insouciant va être le théâtre d'une enquête assez succincte de la part d'un groupe de policiers parmi lesquels nous reconnaitrons un encore jeune Charles Vanel.

Une véritable qualité d'écriture (quoi que parfois inégale) permet de suivre avec plaisir les rebondissements parois naïfs de l'histoire.
Alors d'accord, tout n'est pas irréprochable dans le fil de l'enquête, tous les acteurs ne sont pas au dessus de tout soupçon de sur-jeu (Marcelle Chantal notamment), mais ces quelques considérations bassement terre-à-terre ne sauraient contrebalancer toutes les qualités énumérées plus haut.
guyness

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