Farce originale dans l'absolu mais où son auteur se renouvelle peu. Au contraire le cadre est neuf – relocalisé, en intérieurs, similaire au huis-clos et sur un temps court, proche de celui du spectateur (l'interrogatoire s'étale sur une nuit – multiple). Ce n'est pas une bombe ubuesque à la Wrong Cops avec sa virée chez les nihilistes ordinaires, ni tellement sombre comme l'était Réalité, ni à la frontière de l'expérimental comme l'ont été Wrong et Rubber.


C'est même plutôt prosaïque, mais comme ça peut l'être chez Dupieux – l'aberration s'infiltre dans la banalité, les protagonistes réagissent en parfaits débiles logiques, irréprochables si leurs principes sont bien choisis. Souvent ils se disent ce qui ne saurait se dire, par bienséance, souci de pertinence ou conscience de soi (consultez Invention of Lying pour l'option radicale). Ils ne font et ne sont qu'en fonction de ce qu'ils savent, ou s'y appliquent le plus possible – si une huître est un aliment l'agent moustache ne voit aucune objection à la croquer. Évidemment les gens sont trop confus pour soutenir la logique et ne serait-ce que leurs standards, il ne peut donc y avoir que des petites catastrophes ou le règne du ridicule perpétuel, devenu normal à l'usure.


Tout coule avec facilité, dans les deux sens du terme. Les enchaînements sont un peu prévisibles (le coup de l'équerre) ou immédiatement repérables à moins d'être subjugué par la loufoquerie. L'humour si improbable se fait aussi littéraliste (même en mode discret, avec le cadavre dans le placard). Le film a le mérite de ne pas souligner de moments de solitude, ralentir le rythme (sauf scène d'ouverture – fantaisie sans rapport avec l'aventure à suivre), imposer des flottements supplémentaires à ceux de son récit aberrant (ce que pratiquait encore Réalité) – le quota d'égarement est déjà bien assez grand.


Les dialogues sont jubilatoires, le duo et certains retours perplexes près de l'immeuble évoquent Buffet froid. Le meilleur est certainement dans les vingt premières minutes, le niveau voire le plaisir se tassant au cours des sept allers-retours. Les invasions de souvenirs et autres attentats diégétiques réduisent l'impact de la seconde moitié. La révélation pré-finale n'apporte qu'elle-même et donne occasion d'un petit épilogue improbable ; pour les concepteurs elle permet de se tirer de cette histoire de fou (ou au moins de la boucler), pour les spectateurs elle a de quoi frustrer (à moins que les citations-hommages possibles soient plus importantes que la définition d'un [non-]sens personnel).


Cette fin conforte l'impression d'avoir assisté à un exercice de mariole – efficace malgré tout. Notez que la courte durée de cette bêtise sophistiquée peut être une qualité (1h13, enlevez sept minutes pour le générique – sept minutes de moins en faisaient un moyen-métrage). Si vous devez y accéder au tarif plein, passez votre chemin, à moins d'être un adepte. Sinon, il faut tenter cet opus, le plus accessible de Dupieux, dépassant même Steak sur ce plan.


https://zogarok.wordpress.com/2018/11/28/au-poste/

Zogarok

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