La puissance de The Nun’s Story tient à la rigueur esthétique avec laquelle il aborde son sujet, loin de l’exubérance contemporaine qui aurait, tel un Paul Verhoeven sur Benedetta (2021), multiplier les réquisitoires empesés contre l’Église et ses dogmes.


Il n’en est rien ici, et l’engagement du long métrage vis-à-vis de l’institution qu’il investit n’est justement pas un engagement contre elle : nous pénétrons dans l’intimité d’un couvent et partageons le chemin de croix enduré par une sœur qui peine à écarter le doute et la libre pensée pour rentrer dans le rang. En devenant Sœur Luc, Gabrielle accède à un service qui rime avec sacrifice, un service de Dieu qu’il faut réaliser dans la conformité des règles établies et de la dépossession de soi qu’elles exigent ; son vœu le plus cher demeure d’ailleurs le service des plus démunis, et non pas le service de Dieu, ou indirectement du moins. Le docteur Fortunati lui reproche son inaccessibilité comme s’il s’agissait d’une forme d’orgueil paradoxale : « il est impossible de parler à quelqu’un qui n’a pas le droit de se rappeler ».


Par l’intermédiaire de Sœur Luc/Gabrielle, le film interroge l’application des valeurs essentielles au christianisme que sont la charité, la compassion et l’aide à la personne, des valeurs qui dégénèrent en hypocrisie et en culpabilisation lorsque leur exercice se cantonne à un cercle fermé, des valeurs qui ne prennent sens qu’au contact des nécessiteux. Un plan magnifique dit cela : une fois arrivée au Congo, Hepburn découvre la salle d’opérations au sein de laquelle elle assistera le docteur en chef ; la porte du fond s’ouvre et dévoile un paysage naturel lumineux et chatoyant, perspective que refuse de contempler la sœur en rétablissant la pénombre dans la pièce. L’enjeu principal de la seconde partie de The Nun’s Story sera alors de pousser celle-ci vers la sortie, jusqu’à cet ultime plan tout aussi formidable, digne des westerns, représentant une porte ouverte sur la liberté.


Une œuvre immense portée par sa réalisation minutieuse et son actrice principale, Audrey Hepburn.

Créée

le 14 oct. 2021

Critique lue 119 fois

2 j'aime

Critique lue 119 fois

2

D'autres avis sur Au risque de se perdre

Au risque de se perdre
Tonto
10

Autant en emporte le couvent

Lorsque Gabrielle Van der Mal (Audrey Hepburn, lumineuse), fille d’un chirurgien réputé, entre au couvent et devient aux yeux du monde et de ses semblables sœur Luc, c’est avec l’espoir d’être...

le 5 févr. 2018

11 j'aime

2

Au risque de se perdre
manouperrin2
8

Critique de Au risque de se perdre par manouperrin2

Encore un film avec Audrey Hepburn, encore un film superbe. A croire qu'elle transforme en or tout ce qu'elle touche ou fait. Au risque de se perdre raconte l'histoire d'une jeune fille qui s'engage...

le 7 nov. 2012

8 j'aime

1

Au risque de se perdre
Fatpooper
7

Indomptable Hepburn

J'ai beaucoup pensé à "The Black Narcissus" durant le film, même si les thèmes principaux ne sont pas vraiment les mêmes ni traités de la même façon. Ce que j'apprécie dans le scénario, c'est que...

le 4 janv. 2015

5 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

88 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14