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6.8
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Film de Takashi Miike (1999)

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En plusieurs fois, plusieurs endroits, sous plusieurs sens. Comme un bienfait d'appréhender cette oeuvre cinématographique de manière séquentielle. Apprivoisée dans ses turpitudes, j'ai pu l'envisager avec recul et progression. Monté comme une comédie romantique aux méandres dramatiques, le film de Takashi Miike tarde à se déshabiller intégralement. A l'image de son héroïne, qui a fait l'objet d'une attentive audition lors d'un casting « bidon ». Organisé dans le seul intérêt d'un disciple de Cupidon trahi par l'existence, souhaitant se remarier par l'impulsion de son fils, la « sélection artificielle » incarne par sa superficialité et son inhumanité naturelles les arcanes d'une ouverture tragique de la boîte de Pandore. Une fois lâchée, la bête repose sur ses lauriers mais tire force et forme à mesure que le nouvel amoureux transi s'éprend aveuglément de sa dulcinée qu'alors Dieu seul sait démoniaque. Sous des atours obscurs, à même de symboliser l'affect du héros en des mouvements de caméra limpides au service de la tétanie et du choc, Miike dessert non pas une démonstration académique du genre horrifique mais dresse une esthétique du malaise, reposant sur les épaules du protagoniste comme du spectateur. A mesure que les éléments traditionnels du genre pèsent sur une intrigue qui se déroule, le spectateur est à son tour pris au piège dans les mailles de la toile d'une fort attrayante demoiselle, veuve araignée et méduse gorgone tout à la fois. Dès lors emporté dans un délire sadique qui désagrège l'illusion sociale et lève le voile sur le véritable visage d'un monstre au faciès angélique, le témoin de la cruauté humaine est pris de court par la brutalité du choc. Le film concentre inopinément les scènes les plus dérangeantes en son dernier souffle qui s'égraine sur une bonne demie-heure. Ascensionnelle, la frénésie est substantiellement palpable mais connaît indubitablement son acme et son immanquable point de chute. Elle réside en une conclusion tout aussi brusque et paradoxalement apaisée de l'extinction des flots de la rancoeur d'une petite fille traumatisée par la vie.

Miike nous convie à arpenter les dédales crépusculaires de son imagination, qui recèlent de part et d'autre de points de naufrage où son public s'échoue à l'investissement d'une part de lui-même dans l'hypothétique compréhension d'un labyrinthe boursouflé de détours machiavéliques. Un film qui, à l'instar d'un Ghost In The Shell, tire expressément à lui la couverture d'une relecture inconditionnelle, à l'aune des commentaires éclairés d'un réalisateur possédé par le malin démon de la dissimulation de toute la perfidie humaine.
Adrast
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le 14 déc. 2010

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