Manuel d’apprentissage – Jour 12 (encore)

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au treizième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


Nous sommes sortis dans une pagaille joyeuse. Vampires et loups se mêlent, se croisent. Certains sortent pour fumer ou simplement pour contempler la nuit. Les plus impatients se mettent déjà en rang pour retourner dans la salle, les moins prévoyants filent acheter leur billet pour la deuxième partie de soirée. Je n’ai jamais eu de petit louveteau à moi, mais je me sens aussi fière qu’une mère qui verrait les résultats de sa bonne éducation sur ses petits. Ils sont ouverts, ils sont souriants, et le plus important : ils sont sincères. Je regarde avec satisfaction la guerre s’éloigner de nos pattes. 
Finalement nous avons pu retourner en salle. Un monsieur, tout ce qu’il y a de plus humain nous présente le film avec une justesse saisissante. Il nous raconte le film, ses origines et celles de sa réalisatrice, ses influences, du milieu Underground New-Yorkais à James Cameron, avec une passion non-feinte. Il nous livre son analyse, saisissante de justesse, d’un film de genres hybrides qui se soutiennent mutuellement : à la fois western, film d’action, road-movie, love story, et bien sur, film de vampires. Il nous parle de l’influence des *Raisins de la Colère*, de la notion de famille, qui bien que cruelle et brinquebalante est indubitablement attachante. Surtout, il a ces mots : « le film de vampire est un genre accueillant ». J’aime bien cette formule. Certes il l’utilise pour signifier que ce genre permet de parler métaphoriquement des maux de son époque, que le film de vampire est toujours moderne, toujours profond, à double-lecture, malgré les apparences. Peut-être, je veux bien, même si j’ai vu certains navets qui me laisse croire aux exceptions. Mais peu importe, j’aime bien cette formule. Accueillant. Il y a quelque chose de chaleureux, et d’agréable dans ce mot. On s’y sent en sécurité. Je me rends compte que malgré tous les problèmes qui ont agité mon immortalité ces derniers temps, à chaque fois mon film de monstre quotidien était comme un cocon sécuritaire dans lequel je savais me réfugier en fin de journée. Et peut-être, oui, que les films de vampires sont parmi les plus efficaces à ça. Il conclut en nous incitant à l’attention : la scène d’introduction serrait un magnifique hommage à la nuit. J’en salive d’avance.
Alors la scène d’introduction est sublime donc, comme annoncée. Cette rencontre, la fatalité de l’amour, on se croirait dans un film de princesse mélancolique, baignée dans la lueur de la lune… Enfin dans son doublage mécanique façon années 70. Le présentateur nous avait annoncé cet aspect en retard sur son temps. Le film a beau sortir au beau milieu des années 80, il n’en reste pas moins délibérément seventies. Tant mieux, vous savez bien que ce n’est pas moi qui risque de m’en plaindre. Le film d’ailleurs est sublime de bout en bout, dans son costume brillant des années 70. Les nuits sont de noir et de bleu électrique, les jours sont douloureusement éblouissants. C’est formidable, car ces jours sont à la fois parti prenant de l’esthétique du film, et une manière très réussi de nous faire ressentir la douleur de ces héros cabossés dont la peau flambe au soleil. L’histoire est sublime, bel et bien un mélange incroyablement réussi de tous ces genres énumérés en début de séance. Ils sont tous beaux, tous maîtrisés à la perfection, et surtout, ils s’imbriquent parfaitement. Si on ne me l’avait pas signalé littéralement avant le film, je n’aurais pas remarqué ce patchwork invisible. C’est brillant. Les personnage sont tous beaux malgré leurs défauts, tous attachants malgré leur vilenie. Leurs morts, quand elles surviennent, sont tout à la fois déchirement et soulagement. J’en suis bouleversée. Bien sure, en fleur bleue que je suis, j’apprécie la romance, suffisamment présente pour nous émouvoir, suffisamment discrète pour ne pas tomber dans la mièvrerie. En personne vite ennuyée, j’apprécie le rythme soutenue, la cavalcade perpétuelle, les scènes de combat flamboyantes. Et en éternelle insatisfaite du road-movie, je trouve enfin la satisfaction. Ce n’est pas simplement un film qui parle des étapes d’un voyage : c’est un film qui parle du moment ou l’on passe d’une étape à l’autre, de la route, de la conduite, de la vitesse et du défilement du paysage. En se trouvant une justification parfaite (ils sont obligés de voler régulièrement un nouveaux véhicule pour cacher leurs traces), et un nombre de personnages ajustés (trop pour remplir sagement une voiture classique, mais pas assez pour perdre le spectateur), le film parvient à nous délivrer des scènes d’intérieur de véhicule vraiment riches, partie intégrante du scénario, jolies, émouvantes, effrayantes, bref, des scènes au même rang que les autres. Et j’aime ça. Juste un petit point négatif : cette fantaisie un peu facile pour trouver un « remède » au vampirisme. J’ai bien compris en quoi les personnages de ce film n’y voient que des inconvénients, mais tout de même, je trouve ça plutôt méchant de le traiter comme une maladie, et surtout de lui trouver un antidote aussi simple ! (surtout si ça implique des piqûres)
Malgré toutes ces merveilles qui se sont enchaînées à un rythme effréné, je ne peux m’empêcher de quitter la salle en repensant rêveusement à la scène d’introduction. A cette vamp bouleversée à l’idée que la lumière de cette étoile, là, celle qu’elle émet cette nuit, elle n’atteindra la terre que dans plusieurs millions d’années. Et que nous serons toujours là pour la contempler...

Créée

le 2 nov. 2019

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Zalya

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