Le pitch est plutôt engageant : Le personnage principal doit aller s'infiltrer chez un peuple inconnu, sur une planète inconnue, afin que l'armée aille puiser une source d'énergie enfouie sous terre. Doté d'un nouveau corps, factice mais fonctionnel, il a la sensation de renaître. Atterri sur Pandora et à la suite d'un incident, il se retrouve seul, comme un gamin dans un nouveau monde. Naïf, inconscient des dangers qui l'entourent, un peu lourdaud, il fait la rencontre d'une première habitante de Pandora. Peu à peu il oublie sa première mission pour s'intégrer, formellement comme émotionnellement, à la communauté des Naa'vi. Et pour ce qui est de ce nouveau monde, nous aussi, on y est transportés. Tout est sublime, enchanteur. La nature est à la fois hostile et magnifique, notamment la nuit, où les êtres et les plantes s'animent de couleurs phosphorescentes, comme si, au contact du voile nocturne, leur essence commune devenait perceptible. Au sein de la communauté aussi, les choses sont ambivalentes, nous dévoilant tantôt les conflits et tensions, tantôt les liens profonds qui l'animent, que cela soit entre les membres qui la constituent comme entre les Naa'vi et leur lien se voulant harmonieux avec la nature, qu'ils sacralisent. Lien devenu carrément physique, par la présence de ce filament caché dans leur chevelure, ayant la particularité de pouvoir les connecter à d'autres corps vivants pour communiquer avec. On a donc une figuration de l'humanité dans un mode de vie qui s'intègre à la nature, et qui se considère comme une part de celle-ci. A elle s'oppose, d'une façon quelque peu bourrine (en fait pas du tout subtile), les colonisateurs, l'humanité "moderne" qui, avec l'aide de ses inventions de haute technologie, domine et détruit pour son propre profit. Qu'il s'agisse de la nature ou de son semblable, tout passe au broyeur. Ainsi se rejoue, de manière tristement percutante, le thème de la colonisation (et on pense surtout ici à l'Amérique) sur fond de celui, plus actuel, de catastrophe écologique (exploiter la nature pour en extraire un maximum jusqu'à l'épuiser de toute vie), dans le but de sensibiliser vis-à-vis de nos pratiques quelque-peu excessives. Vouloir tout asservir sans penser aux conséquences de nos actions, c'est mal. On s'avère ainsi nuisibles. Dans un ton un peu utopique, la nature et le divin sauvent les Naa'vi, tout comme elle sauve Jake de la mort. L'avatar n'est plus un artifice technologique, mais sa forme naturelle, sa peau. Sa présence sur Pandora ne se base à présent plus sur un mensonge, mais sur une réelle appartenance à ce monde nouveau.


Et globalement, on peut dire que ça marche. C'est un thème déjà-vu ? Qu'importe, le film a sa manière de le mettre en images, et il le fait plutôt bien. Seulement, il aurait gagné à être plus subtil, moins "gamin", plus mature, surtout au niveau du scénario. S'il ne dérange pas certains, son côté cliché peut en refroidir d'autres. Ca passe par de nombreux aspects (de mémoire) : L'histoire d'amour vue et revue, le héros assez archétypal dans son tempérament un peu simplet, qui séduit la fille du chef, qui parvient à dominer la boss des montures et impressionne ainsi la galerie ce qui lui donne ce côté "élu", les scènes de bataille finales complètement effusives et abrutissantes, et d'autres choses encore. Mais surtout cette subtilité pachydermique dans l'opposition des deux types de civilisations. On ne peut pas faire plus caricatural. Les envahisseurs sont purement et simplement des machines à tuer, pleines de convoitise et sans âme. Si ça a du vrai, le faire dans des tons excessifs décrédibilise la chose.


C'est donc un film qui contraste entre d'une part un univers soigneusement développé, et d'autre part un scénario un peu trop simpliste. Il reste efficace : tantôt il nous fait rêver, tantôt il nous fait ressentir l'horreur et l'impuissance des Naa'vi qui voient leur monde détruit par l'envahisseur. Impuissance vécue en parallèle par le personnage principal, que l'on suit dans ses aventures, enfermé de base dans un corps qui lui est inutile sur le terrain, et qui se trouve en plus entre les mains de l'ennemi. Pour ce sujet important et fort, le film aurait pu se montrer plus intelligent et mesuré, à la manière par exemple de Miyazaki dans Nausicaa, qui traite aussi, mais de manière plus juste et plus sombre, de l'aspect destructeur de l'être humain, envers ses semblables comme envers son environnement.


Malgré ça, Avatar laisse une empreinte assez vivante et vivace dans les esprits, prônant avec entrain une forme d'harmonie, de foi et d'optimisme envers la vie.


Beaucoup d'aspects du film donnent accès au rêve : L'imagerie très riche, qui relie la nature et les Naa'vi aux étoiles et au cosmos, la bande son parfois onirique, ou encore le caractère du personnage principal qui est comme un gosse découvrant un nouveau monde, monde davantage sublimé qu'idéalisé. C'est peut-être ça que le film veut faire de nous, du moins l'espace de quelques heures : des gosses, capables de rêver, de porter un regard échappant à la perversion d'une vision pré-fabriquée du monde, et conscients de la valeur de la vie sous toutes ses formes.


Et pour donner vie, quoi de mieux que l'art. Par une poésie du neuf, du vivant, du foisonnant, et par un univers axé sur la valeur immatérielle des choses (marrant, pour un des films les plus chers du cinéma), il renvoie par moments à une forme d'harmonie et de pureté originelle, un peu enfantine mais emprunte d'une certaine justesse sur la vie, la mort et notre place dans ce monde. La simplicité peut amener à l'essentiel. Dommage que le film semble avoir un peu confondu la simplicité avec la facilité. De l'enthousiasme, c'est génial. De la naïveté, pourquoi pas. Mais du stéréotype, bof. Et c'est sans doute ce qui coince.


En somme, le bourrinage en moins, c'est un film magnifique, qui n'est pas selon moi, comme l'avancent certains, du pur "divertissement" sans fond. Il nous fait voyager, pas seulement pour nous faire trépigner, mais aussi dans l'intention de sensibiliser et de transmettre un espoir dans le vivant. Même s'il est amené de manière un peu malhabile, lourde et simpliste, le message est là.


La conquête du nouveau monde doit se muer en un acte pacifique.


https://www.youtube.com/watch?v=S7i8a2EBNRM

Smeagol
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le 11 avr. 2016

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