Plan large sur les falaises vertigineuses. Ça y est. Mais bien vite, on est projeté dix ans plus tard. La voix off nous remémore frontalement ce qu’on a raté. Le redoutable colonel du premier film revient d’entre les morts sous les traits d’un clone Na’vi grâce aux merveilles de la technologie : le vrai colonel explique par écran interposé à son propre clone les motivations de son geste et son plan machiavélique. Immersion dans une esthétique de jeu-vidéo assez réussie, pourtant la guéguerre oeil pour oeil dent pour dent qui se profile, n’ayant d’autres enjeux que personnels, ne fait pas l’unanimité.

Les quarante-cinq premières minutes font douter les spectateurs : toute cette attente pour ça ? L’entrée en matière est abrupte, Pandora est resté là où on l’avait laissé il y a treize ans. Le montage ne ménage aucune transition, le tout manque de fluidité et le tableau proposé est un entrelacs de grossiers fils narratifs. Le projet est-il à ce point resté tourné vers le passé ? Un méchant plus si méchant ressuscite, son fils caché fait ressortir sa part d’humanité, une fille adoptive semble tout droit issue de l’immaculée conception. Les gentils Na’vi s’opposent aux grands méchants humains prédateurs, le film ne parvient pas à maîtriser pleinement les enjeux environnementaux actuels et les problèmes géopolitiques qui les compliquent.

A ce stade, des bémols majeurs : des arcs narratifs inutiles qui auraient pu être évité au profit de l’étoffe de l’intrigue principale, l’effondrement du scénario qui ne repose que sur une vendetta bête et méchante alors que les enjeux environnementaux pourraient être beaucoup plus explorés, des personnages relativement convenus (un fils caché, un méchant qui au fond est un gentil, des opposants lisses qui manquent de férocité, des hommes corrompus par la cupidité).

Mais les 2h30 qui suivent donnent ensuite raison à l’attente de treize années : loin d’un énième blockbuster américain, et malgré le recyclage de thématiques propres au premier opus, Avatar 2 parvient à faire oublier ses propres faiblesses scénaristiques.

Là où l’on s’attend à subir une traditionnelle histoire de vengeance manichéenne, un combat acharné Quaritch contre Sully, rythmé par des explosions à n’en plus finir, on se laisse emporter par la fuite de toute une famille, qui doit réapprendre à vivre loin de son foyer. On apprécie alors leur récit initiatique, fondu dans une réflexion plus profonde sur l’importance de la famille et le sens de la vie. L’inattendu vient sûrement du traitement approfondi du devenir des enfants du héros : malgré quelques profils convenus (l’aîné est le modèle, le benjamin l’ombre de l’aîné), chaque enfant dispose d’un arc narratif propre et bien développé. Le film se concentre davantage sur les personnages de Kiri et de Lo’ak, l’une héroïne magnifique de discrétion reliée à la toute puissance d’Eywa, l’autre figure de courage et d’émancipation. Cette adolescence messianique permet de parfaire le développement déjà engagé dès le premier film sur le cycle de la vie et sur l’inextricable union de l’homme à la nature.

Côté effets spéciaux, rien à dire : une claque visuelle comme attendue. L’écosystème aquatique permet un traitement des couleurs qui égale le premier film, sinon le surpasse. Les scènes d’action sont redoutablement efficaces. Petit clin d’oeil au cinéma enfin si l’on relève les références à toute une flopée de longs-métrages d’animation en rapport à l’environnement (Princesse Mononoké, Tarzan) et à l’océan (Vaiana, Pinocchio), le réinvestissement des codes de films de requins, ainsi que la mise en regard du film face à la propre filmographie du réalisateur : Cameron confirme sa propre inclination pour l’esthétique du naufrage…

En somme, La Voie de l’eau est une véritable expérience de cinéma répondant aux critères actuels d’immersivité. Malgré quelques faiblesses de scénario, le film donne dans le sensationnel et tient ses promesses. Attention toutefois à l’épée de Damoclès : l’avenir de la franchise nous dira si Avatar était une saga alourdie par ses ambitions.

MademoiselleRose
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le 20 déc. 2022

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