Pour mémoire, dans le 1er opus, Gargamel (interprété par Franck Dubosc, son meilleur rôle) veut piquer la salsepareille des Schtroumpfs, qui vaut un bras bionique, et détruit leur champignon géant en butant le Grand Schtroumpf. Le Schtroumpf à roulettes trahit la tribu des crânes rasés, tombe amoureux d’une version brune de la Schtroumpfette et dompte le Cracoucass pour se faire pardonner d’avoir fait quelques cachotteries aux Village People, sa tribu d’adoption (tout le monde se souvient de leur hymne « In the Na’vi »). Dans un ultime combat simpsonesque, voire homérique, Franck Gargamel finit façon coléoptère criblé de flèches par Neytiri, la Schtroumpfette qui n’a pas trop le sens de l’humour.

Il aura donc fallu 13 ans pour que James Cameron délivre sa suite, soit une durée encore plus longue que le gel du point d’indice, c’est vous dire s’il a pris son temps. Une suite qu’il a intitulée « La voie de l’eau », ce qui est gonflé pour le réalisateur de « Titanic », mais passons. Fort heureusement, « Avatar 2 » n’a rien du naufrage annoncé. Certes, on sent que l’essentiel du budget n’est pas passé dans le scénario, aussi mince que le salaire mensuel d’une AESH, ni dans les dialogues, aussi creux et spirituels qu’un discours d’Elisabeth Borne. Gargamel est de retour, et il n’est pas content. Il a un compte à régler avec le Schtroumpf à roulettes, sa Schtroumpfette, et leur petite famille, car, entre-temps, ils se sont reproduits. De surcroît, il revient sous la forme d’un avatar Na’vi, ce qui – horresco referens – fait hurler toutes les associations bien-pensantes au « blueface ».

Le message écologique est asséné avec toujours autant de sens de la nuance. En gros, l’homme occidental, après avoir massacré les peuples dits primitifs en connexion avec la Nature, court à sa perte en saccageant la planète pour son propre profit. Sa supériorité technologique et scientifique lui permet d’asseoir sa domination, mais se révèle incapable de sauver la fille adoptive du couple héroïque : il faudra pour cela l’intervention miraculeuse du marabout de Paul Pogba. Cameron acte la fin de notre monde : Pandora intéresse moins les envahisseurs pour son minerai que parce qu’elle pourrait, colonisée, devenir une Terre de substitution. Il est aussi beaucoup question de filiation – la famille au sens large est au coeur du film – et de transmission, sur fond de conflit oedipien à la sauce Star Wars, sans oublier la question de l’immigration : quelles que soient ses origines, on appartient à un peuple lorsqu’on a fait siens son mode de vie et ses coutumes et qu’on a payé le prix du sang.

Mais si l’on arrive à passer au-dessus de la relative insignifiance du fond, force est d’admettre qu’« Avatar 2 » nous convie à une formidable expérience de cinéma. Le spectateur est plongé dans un monde fabuleux et sidérant, avec des images et des séquences à couper le souffle, à l’exemple d’une incroyable chasse à la baleine – ou son équivalent pandorien. La franchise Avatar n’est pas qu’une fable écolo : c’est aussi et avant tout une formidable entreprise de recyclage cinématographique. Avec Cameron, rien ne se crée, mais tout se transforme, du plus attendu ( le western – le thème du renégat dans le 1er et la formidable attaque de train dans le 2nd - le space opera – les combats dans l’espace - ou le revenge movie) jusqu’au plus surprenant, le teen movie (le film donne une place centrale aux adolescents) . Cameron trouve même le moyen de recycler ses propres films (« Alien », « Abyss »)  : certaines scènes semblent être des rushes inutilisés de « Titanic ».

Plus qu’un film écolo, Avatar est donc une formidable déclaration d’amour au cinéma hollywoodien et à sa machine à rêves.

cyrano54
8
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le 27 déc. 2022

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cyrano54

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