Effeuillages

Me voilà bien embêté. Ayant moyennement apprécié le premier Avengers, ayant subi Thor 2 et Iron man 3, je m’attendais à passer 2h21 à râler.

Et finalement, non, je n’ai pas détesté ce film. Mais, je ne l’ai pas aimé non plus.

Deux choix : soit j’oublie toute velléité de critique, soit je trouve une idée originale.

Pour les côtés négatifs, allez lire la critique de Fritz_the_Cat. Pour les positifs, allez voir celle de Behind_the_Mask.

Etant d’accord avec l’un comme avec l’autre (particulièrement sur les griefs), je vais m’intéresser à un autre point de ce film.

Attention, je vais un peu raconter ma vie, mais ce n’est pas complètement gratuit (enfin j’espère). Jeune, j’étais un lecteur assidu de comics. J’achetais et lisais religieusement les Strange et autres publications. Puis, je suis passé à autre chose, délaissant et snobant complètement les X-Men et autres Spiderman, comme quand ton meilleur ami pour la vie du primaire débarque devant tes potes trop cool du lycée qui jouent du djembé et fument des bangs.

Bref, sans l’intervention de de_part_et (mon encyclopédie en la matière), je ne m’y serai jamais remis. Sauf que 15 ou 20 ans sont passés depuis et j’ai beaucoup de mal à m’y reconnaître : « C’est qui celui-là qui est transparent ? » « Mais que fout Wolverine chez les Vengeurs, c’est une hérésie ! » « Cyclope s’habille en cuir et est bad-ass ? » « Attends, elle, c’est la fille de qui et de qui ? » « Deadpool ? C’est le fantôme d’un maître-nageur infecté par du chlore mutant ? »

Et je ne vous raconte pas quand il a commencé à m’expliquer le raisonnement DC Comics (je replonge dans les Batman aussi).

Mon retour aux comics brochés a coïncidé avec l’émergence des Marvel au cinéma. Assez peu intéressé au départ par des héros qui ne m’ont jamais accroché (Iron man, Thor, Captain America…) et refroidi par des X-Men sans intérêts, j’ai toutefois été curieux de la manière dont Marvel reliait tous ces films, à coup de forces détails ou de caméos plus ou moins subtils. J’étais et je suis fasciné par cette capacité de créer un univers.

C’est là que j’arrive à Avengers : L'Ère d'Ultron (enfin, me direz-vous). Pour la première fois, je retrouve cette impression d’être dans la bande-dessinée.

Pas dans la façon de filmer, car tous les réalisateurs qui s’y sont attelés, Joss Whedon en tête, ont une écriture cinématographique avant tout. Contrairement à un Sin city, ils ne font pas de la BD au cinéma. Avengers : L'Ère d'Ultron est particulièrement classique dans sa construction, même si j’y ai vu quelques fulgurances, notamment dans la manière de filmer le combat entre Hulk et Iron man.

C’est plutôt dans l’ambiance que j’ai retrouvé cet esprit de la BD. Avengers : L'Ère d'Ultron ressemble à ces grands cross-over qui alimentent les parutions Marvel. Un grand récit dont les interstices ne sont compréhensibles que si on a lu/vu les séries éponymes, où chaque super-héros développe son identité.
Un univers interconnecté et interdépendants jusqu’à l’étourdissement, pour ne pas dire parfois l’absurde. Car dans Avengers : L'Ère d'Ultron, on retrouve une volonté d’égalitarisme outrancier. Tout super-héros a un traitement similaire, de manière à ne pas froisser le fan-service.

Mais tous se retrouvent autour d’un ennemi commun, malgré leur antagonisme. Le climax de tout cross-over. Mêmes rebondissements, mêmes alliances improbables, mêmes pays imaginaires (la Sokovie), mêmes amourettes déconcertantes mais destinées à titiller l’ado dopé la frustration (et mêmes simples figurantes au décolleté exubérant)...

De même que le film se réfère aux séries parallèles, il prépare le terrain aux futurs films. Marvel ayant toujours un coup d'avance sur les choix éditoriaux à venir. Ayant lu les BD, je vais donc griser la suite.

Pour rester sur la question du parallèle avec la BD, je note quelques différences qui m’ont fait raler. Par fainéantise, je reprends deux brèves d’Allociné.

Dans le comic book, le personnage d'Ultron est créé par Hank Pym, alias Ant-Man. Lequel n'est pas présent dans cet Avengers et change donc de géniteur. La paternité du robot revient donc à Tony Stark.

Dans les comics, les jumeaux Maximoff obtiennent leurs pouvoirs génétiquement car ce sont des mutants, alors que dans le film, ils ont été victimes de manipulations orchestrées par l’Hydra grâce au sceptre de Loki. La cause d'un tel changement ? Marvel ne dispose tout simplement pas des droits cinématographiques, la mutanité étant une propriété de la Fox.

Tout ça pour vous dire que j’ai retrouvé avec Avengers : L'Ère d'Ultron les défauts et les qualités des comics papiers dans leur mode de fonctionnement. Des aventures qu’ils sont plaisantes à lire/voir sur le moment, mais qui sont aussitôt oubliées dès que l’on ouvre un nouveau chapitre.
Avec la prolifération des films et des séries, Marvel est arrivé à se retrouver dans le même foisonnement que l’édition papier. L’ensemble est riche, impressionnant, profond par endroit mais terriblement superficiel sur d’autres. Mais je crains surtout de me retrouver dans la même situation qu’avec les comics. A force de réorientations, de reboot, d’adaptations superficielles (je pense ici à la question des origines des jumeaux Maximoff, censés être les enfants de Magneto), d’histoires parallèles, de modernisation, Marvel retombe dans les travers de ses comics. A force d’étendre la toile et d’en augmenter les ramifications, l’univers devient tout simplement illisible.
Et je vais encore être paumé.