Baby Phone par pierrick_D_

Ben,musicien raté et fauché,et son épouse Charlotte,thérapeute,sont les jeunes parents d'un bébé de sexe féminin.Ils invitent à dîner les parents de monsieur et ses deux meilleurs amis Simon,producteur de disques,et Nathan,médecin.Mais ces deux derniers ont la mauvaise idée d'aller voir le nouveau-né dans sa chambre et d'y échanger des propos peu amènes sur leurs hôtes tout en déballant quelques dossiers destinés en principe à rester secrets.Hélas,le baby phone est ouvert et les autres entendent tout depuis la cuisine,ce qui va légèrement plomber l'ambiance de la soirée.C'est le premier,et seul pour l'instant,long-métrage d'Olivier Casas,qui en est également coscénariste et coproducteur.Le film s'inscrit dans la longue lignée des films de copains et ne déroge pas aux règles du genre.Les gens sont supposés s'adorer mais de lourds contentieux sont en suspens et tout éclate au cours d'une réunion amicale qui tourne au règlement de comptes et au pugilat,chacun à tour de rôle assénant aux autres ses quatre vérités,l'affaire se concluant en réconciliation générale car au fond on s'adore en dépit des disputes.La mode semble avoir pris son essor dans les années 80 avec des oeuvres telles que "Les copains d'abord" en 83 ou "Mes meilleurs copains" en 89.Plus près de nous,il y a eu "Le jeu de la vérité" en 2014 et surtout "Les meilleurs amis du monde" en 2009 qui démarre sur un pitch similaire,alors que le coup du baby phone était déjà utilisé dans "Mariages!" en 2004."Baby phone" se situe au croisement de ce genre et du théâtre filmé,ce qui est curieux dans la mesure où il ne s'agit pas de l'adaptation d'une pièce mais de celle d'un court-métrage réalisé par Casas en 2014.Pourtant,tous les éléments sont là,un nombre restreint de protagonistes,une histoire axée sur les dialogues et un lieu d'action quasi unique,un appartement en l'occurrence.Le cinéaste ne s'extrait jamais de ce dispositif minimaliste et peine à donner du mouvement à son film,ce que n'arrange pas la laideur de la photo et des décors.Comme d'autre part les personnages sont assez clichés et ni sympathiques ni intéressants,l'ensemble peine à convaincre,d'autant que le scénario aligne les invraisemblances et les illogismes.Les deux zigs parviennent en cinq minutes de conversation à dévoiler toutes leurs pensées intimes et à griller tous les secrets qu'il fallait taire,les quiproquos insanes s'enchaînent et le pompon est décroché lorsque Juliette,chanteuse célèbre,se pointe à la fiesta.Le but est de lui vendre les chansons écrites par Ben mais pour faciliter les choses on lui fait croire que c'est Nathan,sur lequel elle est supposée avoir craqué,qui les a composées.Sauf que dès son arrivée elle gifle le gars,avec qui elle avait déjà couché pour un résultat désastreux dont on ne connaîtra pas les détails.Pourquoi n'a-t-il pas dit ça à ses potes avant l'arrivée de la fille?A partir de là,il est aberrant de continuer à la duper mais c'est pourtant ce que les amis vont faire jusqu'à ce que Nathan soit contraint de s'installer au piano alors qu'il n'entrave que pouic à la musique.Et même là,tout le monde laisse faire,comme si un miracle allait se produire.Et des inepties de ce calibre,le script en est constellé.Cependant le film est souvent hilarant par la grâce de dialogues qui atteignent parfois une intense cruauté.Car les ressorts de l'âme humaine sont dévoilés de manière très lucide et mettent en lumière le contraste entre la nature égoïste de l'Homme et le sentiment amical qui lui est antagoniste.L'égoïsme,généralement stigmatisé,est pourtant un sentiment normal.On ne vit qu'à travers soi-même,il est donc logique de se préférer aux autres et de se favoriser.Mais par ailleurs on a besoin d'affection,et donc de s'entourer de personnes avec qui on a des affinités.Difficile dès lors de jongler entre ces deux pôles et d'établir un équilibre,surtout qu'on est de coutume nettement plus perspicace pour détecter les défauts d'autrui que les siens.Le film parle de ça et ouvre des pistes de réflexion stimulantes à ce sujet.D'un casting disparate émerge un trio de tueurs formé de Pascal Demolon,fantastique comme d'hab,qui incarne un homo du showbiz hypocrite en quête de paternité,Lannick Gautry,parfait en médecin obsédé sexuel,un docteur qui aime jouer au docteur,qui mérite mieux qu'une carrière télévisuelle,et un Michel Jonasz impérial en père faussement endormi,fatigué et compréhensif.Le reste n'est pas du même niveau,notamment Medi Sadoun,révélé dans "Les Kaïra",qui manque de présence et a du mal à gérer le registre dramatique.Côté féminin,Anne Marivin et Marie-Christine Adam sont plutôt moyennes et Barbara Schulz,encore une actrice rattrapée par les années,est franchement inexistante.