Critique originellement publiée le 20/05/2015 sur Filmosphere.
Difficile est la tâche pour l’auteur remarqué en festival que de réitérer sa « performance », évidemment attendue au tournant. Douche froide plutôt notable pour Joaquim Trier qui, après Oslo 31 août, revient ici aux commandes de Back Home, film propulsé par un casting de choix, mais finalement condamné à errer dans les profondeurs insondables du drame laborieux et totalement creux. D’un ennui terrassant, le troisième métrage de Trier échoue dans presque tout ce qu’il entreprend, ne laissant à son spectateur que ce sentiment bien désagréable de la caricature du film auteuriste pour festival.
Partant d’un postulat pourtant intéressant, créé autour du décès prématuré du personnage d’Isabelle Huppert, photographe de guerre, Back Home éparpille son scénario dans toutes les directions, s’interrogeant sur autant de thématiques possibles que son sujet peut en brasser : le deuil, le non-dit familial, le souvenir, le pardon, l’absence, etc. Mais par la confusion de points de vue dans l’écriture, l’absence d’empathie (ou ne serait-ce que d’antipathie) pour les personnages, et surtout le parcours abstrait que leur psychologie suit, on se retrouve perdu face au nœud des relations, maelström sentimental évidemment au cœur de l’intrigue. Et à être témoin trop passif de cette dislocation de la cellule familiale, on se heurte constamment à la recherche de l’objectif de Joaquim Trier, perdu de vue, imperceptible dans ce film malgré toutes les pistes lancées. Le rapport à l’adolescence et les jeux vidéo, sur lequel Trier revient à plusieurs reprises, est esquissé avec la maladresse réductrice la plus complète, alors qu’il tient peut-être l’enjeu le plus intéressant de son œuvre, lorsque le père tente une percée dans le monde virtuel pour toucher son plus jeune fils. Mais entre stéréotypes de l’adolescent renfermé et généralités sur les jeux vidéo, on se demande bien pourquoi Trier s’y intéresse de la sorte si c’est pour finalement passer à côté.
A terme on en vient ainsi à se questionner sur l’absence plus ou moins prononcée de cinématographie, sacrifiée sur le traditionnel autel du réalisme et de la sobriété, qui pourtant ne semble pas servir le film. Perdue entre ses plans fixes mollassons et sa caméra épaule trop automatique, montée de manière trop confuse, la réalisation de Joaquim Trier épouse toutefois totalement ses personnages, devenant logiquement tout aussi fade. On laissera au spectateur le choix de juger de l’intérêt du procédé. Quelle est l’intention de Trier, si ce n’est l’exaspération, face à ce gros plan de près d’une minute sur Isabelle Huppert ? Car indubitablement, face à cette fadeur globale, est confrontée celle des interprètes, cloisonnés dans leurs personnages autant que par le manque d’intention du directeur d’acteurs. Quand bien même le duo Byrne/Eisenberg convainc éventuellement dans sa relation familiale, il faut que Huppert récidive une nouvelle fois dans son registre de la prestation glauque venant gangréner l’atmosphère globale (l’inquiétude vis-à-vis du prochain Paul Verhoeven est d’autant plus grande).
Alors au-delà, que reste-t-il ? Pas grand-chose. Car si l’ennui est un paramètre bien subjectif et évidemment peu probant, il est réellement compliqué d’y réchapper face à la vacuité de ce que dégage le film de Joaquim Trier, jusqu’à un final vide. Back Home n’a d’ailleurs pas su enthousiasmer son public Cannois, déchantant hypothétiquement face à la froideur de cette œuvre qui aurait pourtant pu se faire aimer avec les atouts qu’elle a en main, devant et derrière la caméra.