Dès les premières minutes, on se dit qu’on va en prendre plein les yeux : Macao brille de mille feux, les néons claquent, les jetons volent, les fortunes se font et se défont à la vitesse d’un battement de cils. Tout semble prêt pour une plongée intense dans la tête d’un joueur, cette fièvre du casino où tout peut basculer.
Sauf qu’au lieu de nous faire vivre cette tension, le film prend un autre virage.
Très vite, il quitte la table de jeu pour partir dans quelque chose de plus flottant, presque onirique. On s’attendait à une descente aux enfers haletante, on se retrouve dans une sorte d’épopée rêveuse, un peu molle, qui tourne en rond.
La première partie du film démarre pourtant plutôt bien, avec un décor planté alléchant et une ambiance qui accroche tout de suite.
Colin Farrell y campe « Lord Doyle », joueur au bord du gouffre, en pleine fuite en avant, prêt à miser ses derniers dollars pour tenter de « se refaire ».
Farrell ( qui continue de surprendre rôle après rôle ) incarne à merveille ce type paumé, désespéré mais toujours un peu classe dans sa déchéance.
il passe par toutes les émotions, ironie, suffocation, résignation, avec une intensité vraiment prenante.
C’est là que Doyle croise la route de Dao Ming, une femme aussi intrigante que difficile à cerner,
À partir de ce moment, le film prend une direction qu’on n’avait pas forcément vue venir.
On retrouve également Tilda Swinton dans la peau d’une sorte d’usurière étrange
La encore une actrice toujours magnétique, évidemment, mais ici un peu sous-exploitée et qui finit par disparaître doucement du récit.
Entre ses travellings chatoyants, ses escalators désaxés et ses néons qui avalent les silhouettes, le film dégage une atmosphère troublante, presque hypnotique.
Une maîtrise formelle indéniable, qui, hélas, ne suffit pas à combler le manque d’émotion.
Derrière cette beauté plastique, tout reste un peu figé. C’est élégant, oui, mais aussi froid et distant.
On sent que Berger veut explorer l’âme d’un homme brisé, confronté à ses fautes et à son vide intérieur.
Mais à force de symbolisme, le film oublie le principal : faire battre le cœur du spectateur.
Au lieu d’un grand récit sur la dépendance, la culpabilité et la rédemption, on assiste à une errance glacée où les émotions se perdent dans les lumières de Macao. Le joueur sombre, mais le spectateur, lui, s’ennuie.
The Ballad of a Small Player aurait pu être une tragédie flamboyante.
C’est finalement une balade élégante, mais un peu creuse, un bluff visuel sans vraie mise.
Ce qui surprend surtout, c’est de voir Edward Berger, d’ordinaire si solide sur le fond (À l’Ouest, rien de nouveau, Conclave), miser cette fois presque exclusivement sur la forme.
Là où il savait construire des récits puissants et tendus, il se perd ici dans une narration floue, hypnotique, mais qui manque d’âme.