Je serais certainement incapable de vous dire ce qui m'a poussé à prendre un ticket de cinéma pour voir Ballerina. Car la bande annonce présentait quelque chose qui semblait très enfantin et assez niais sur le pouvoir des rêves. Quelque chose qui semblait cibler les petites filles par le décor qu'il investissait et la thématique qu'il convoquait. Quelque chose, enfin, d'extrêmement classique et sans aucune surprise dans son cheminement scénaristique.


Le début du film confirme ces quelques craintes, tant le chemin est balisé, tant Ballerina donne l'impression d'une oeuvre quelque peu surannée dans sa formule archi connue du dessin animé qu'il emploie. Quand il essaie d'émuler l'air du temps, le film fait sien certains travers des animés actuels, tendance chansons djeuns, tendance humour parfois balourd à base de pets et de crottes de pigeon. Tout pour faire lever les yeux au ciel, vous dîtes-vous certainement.


Mais Ballerina emprunte aussi certaines recettes du film live en renvoyant plus d'une fois, de manière surprenante, à Rocky, montage à l'appui. Seule manque la musique immortelle de Bill Conti. Car pour le reste, notre jolie petite rouquine s'entraîne à conserver son équilibre, à atteindre une cloche sans s'éclabousser, comme Rocky courait dans ses rues grises et écrasait ses poings contre des carcasses congelées, avec la même abnégation et la même force de caractère. Ballerina émule l'étalon italien jusque dans la présentation, en voix off, de son antagoniste, aux allures d'Ivan Drago féminin maîtrisant son art sans pour autant voir plus loin que sa technique.


C'est dans ce propos que le film se montre le plus à l'aise et touchant : quand il parle du coeur qui anime sa petite héroïne, le coeur qu'elle met pour atteindre son rêve, de l'abnégation déployée pour progresser, des sacrifices qu'il faut consentir alors que l'on n'est encore qu'une enfant, très loin de la maturité requise.


Et surprise, Ballerina envisage tout simplement l'échec de son héroïne, le sol qui se dérobe sous ses pieds, et un retour à la case départ ouvrant un troisième acte que le spectateur est bien curieux de découvrir, tant la voie du traditionnel happy end semble se dérober. Le film n'ira cependant pas jusqu'au bout de cette surprise, renouant dans sa dernière ligne droite avec certaines conventions, tout en faisant évoluer le véritable antagoniste de l'histoire aux allures de marâtre tout droit tirée de Cendrillon, reprenant dans un même mouvement tant sa méchanceté que sa bêtise. Il offrira au passage un chouette climax, assez court cependant, sur les échafaudages de la Statue de la Liberté, après avoir fait une référence fugace et surprenante à Tigre et Dragon, remplaçant les bambous par les sièges d'une salle de l'Opéra de Paris.


A ce titre, Ballerina tire assez bien partie de son décor et de ses origines françaises, même si les plus bougons crieront sans doute à l'accumulation de clichés. Car Félicie et Victor se promènent entre hôtels particuliers, Opéra, Tour Eiffel en construction et atelier de son créateur de manière plaisante et charmante, faisant respirer une certaine identité parisienne, très 1880's et exposition universelle ici, que l'on n'avait plus vu en animation depuis Ratatouille.


Tout cela concourt à faire penser, à la sortie de la séance, que Ballerina nous a fait passer un bon moment, sans prétentions, et ce malgré son classicisme absolu, son triangle amoureux parfois béta et un protagoniste inutile. Car tout ce que l'on retiendra, c'est ce coeur, cette envie qui anime un esprit d'inventeur ou l'art de la danse, exécutée parfois de manière maladroite mais sincère, à l'image d'un film perfectible mais, de manière inexplicable, attachant.


Behind_the_Mask, qui ne se relève pas de son grand écart.

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le 16 déc. 2016

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