Documentaire-Fiction selon Guy Gauthier dans son livre sur le Documentaire

"Bandits à Orgosolo" est remarquable de justesse et de précision. La maîtrise narrative et formelle de son découpage et de sa dramaturgie impressionne pour un premier film. Le long travail documentaire qui a précédé sur les us et coutumes de la population rurale de cette région de Sardaigne (avec des scènes de fabrication du fromage, de déplacements de troupeau, des journées des bergers, mais aussi le quotidien des femmes au village coupant le bois pour cuire le Pane Carasau... autant de gestes que l'on retrouve dans ses court-métrages documentaires tout aussi réussis "Bergers d'Orgosolo" et "Un jour en Barbagia") a su redoubler l'intensité d'une intrigue solide parce que simple, primitive. A la suite d'un quiproquo basique, le héros se retrouve dans la situation hitchcockienne du faux coupable : accusé à tort mais dans l'impossibilité de démontrer son innocence, il est contraint de s'enfuir. S'en suit une course-poursuite avec troupeau dans les montagnes sardes pour le moins originale et sans qu'elle ne perde de son rythme. J'ai été fasciné de voir comment cette situation dramatique primitive pouvait contaminer l'ensemble des plans à suivre : la tension gagne chaque plan et permet des séquences dignes de films policiers dans le village ou les montagnes. Observer sans être vu, se cacher, anticiper les déplacements, etc. Sans cet enjeu narratif, les plans n'auraient pas autant de force. C'est encore une belle leçon de cinéma.

La résolution de l'histoire est superbe. Elle ouvre sur le déterminisme par une aggravation de la situation du héros : la contamination du mal et de la misère. La dernière scène m'a même rappelé la fin d'un western, voire même d'anticiper celle du "Bon, la brute et le truand".

J'ai réussi à faire ma critique sans utiliser le mot néo-réalisme, une gageure tellement on y pense forcément.