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Réaliser une comédie romantique en Arabie Saoudite, pays interdisant les salles de cinéma depuis les années 1980's... Mahmoud Sabbagh apporte ici un petit vent de fraicheur dans cette industrie fortement paralysée par la censure et le puritanisme. La machine semble pourtant doucement se relancer avec la sortie de Wadjda en 2013, premier long métrage officiel produit par le pays ainsi que par l'organisation de la seconde édition du festival du cinéma saoudien en 2015....après sept années de silence radio. La présence de Barakah meets Barakah dans la section Forum de la Berlinale 2016 et sa diffusion spéciale au TIFF 2016 signent le début d'un parcours festivalier dont le rayonnement international va certainement avoir des retombées locales positives.


Bibi est une jolie bourgeoise occidentalisée et hyperconnectée. Barakah est un modeste agent de la municipalité chargé de faire respecter l'ordre. Plutôt que de jouer la carte de la transgression et ainsi développer une intrigue amoureuse des plus classiques, le réalisateur se joue de l'ensemble des règles et des barrières venant entraver les prémisses de leur relation. Ni de mièvrerie ni même aucun contact physique explicite. Le film dresse le portrait acerbe d'un pays ne laissant littéralement aucun espace pour que deux personnes de sexe opposé puissent se découvrir librement.


Revers de la médaille, il y a un certain détachement vis-à-vis des personnages qui ne sont eux-mêmes jamais réellement connectés. Cette non-alchimie découlant de l'impossibilité du rapprochement fonctionne, mais l'intérêt du suivi de leur trajectoire individuelle est relativement limité. Les personnages n'ont pas vraiment de consistance propre et les ambitions naturalistes de certaines situations ne respirent pas toujours l'authenticité. La volonté de servir le message de fond rend la construction du film et l'entremêlement de ses sous-intrigues un peu bancales.


Pour autant, sa dimension ethnographique, finalement le seul intérêt du film, reste bien captivante à découvrir. Sabbagh a parfaitement conscience du caractère inédit de la fenêtre de tir qu'il a entre les mains et je peux comprendre le léger sacrifice de la solidité du cadre fictionnel au profit d'un didactisme plus appuyé. Si la thématique de la liberté reste le sujet central du simili pamphlet, d'autres sujets sociétaux sont également abordés, toujours sur le ton de l'humour et de la légèreté : la corruption, le mariage forcé, la censure, l'omniprésence de la police religieuse, etc.


Sabbagh passe lui-même devant la caméra en incarnant le propriétaire d'un bar pestant contre la police menaçant la fermeture de son établissement à coup de "Vous défigurez l'espace public !". À plusieurs reprises il intervient également en voix off pour présenter des photos illustrant l'évolution du pays. De la mode vestimentaire des hôtesses de l'air au rapport à la Culture en passant par la scolarisation des filles. Le non-couple de têtes d'affiche, en plus de délivrer une prestation honorable, évolue lui-même dans la sphère de l'activisme. Hisham Fageeh s'était notamment fait remarquer en 2013 avec son clip parodique No Woman, No Drive et la belle Fatima Al Banawi a mené plusieurs actions en faveur de la cause féminine.


D'un point de vue plus formel, le film dispose d'un beau cachet qui, il faut le reconnaitre, est en grande partie du aux magnifiques décors naturels capturés. La réalisation et ses cadres très rigides sont sages, mais collent plutôt bien à la retranscription de l'immobilisme ambiant.


Une belle petite comédie engagée qui saura assurément marquer son empreinte dans la très courte histoire de l'industrie cinématographique saoudienne moderne.

GigaHeartz
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le 30 sept. 2016

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