Des pixels qui en disent long

L’un des rares longs-métrages de cinéma en provenance d’Arabie Saoudite, cette comédie romantique ne manque pas de drôlerie, même si l’on rit assez jaune en découvrant la vie quotidienne du malheureux Barakah, encore puceau malgré lui, et de sa dulcinée en conflit avec sa belle-mère qui court les médecins pour tenter de vaincre sa stérilité. Le plus étonnant pour le spectateur occidental c’est d’apprendre que ce film aux accents almodovariens a passé le cap de la censure saoudienne malgré les critiques directes qu’il formule à l’encontre d’une société totalement soumise au contrôle des islamistes. Avec malice, le réalisateur signale en préambule que les zones pixelisées susceptibles d’apparaître dans le film n’ont rien à voir avec la censure: ce qui ne les rend que plus comiques et visibles, à l’instar du verre de whisky que tient l’un des personnages ou le doigt d’honneur que tend Bibi sur Instagram, tous deux électroniquement masqués. Si les personnages secondaires sont volontairement caricaturaux et joués avec une certaine lourdeur, les deux interprètes principaux (un youtubeur et une étudiante en théologie) sont touchants, le premier réservé et candide, la seconde révoltée et branchée sur la modernité, mais tous deux totalement impuissants face au poids des traditions et des lois religieuses. Après Wadjda (2013), l'émouvant portrait d’une fillette intrépide par la réalisatrice Haifa Al Mansour, Barakah ne pousse guère à l'optimisme mais prouve au moins la capacité du cinéma de poser un commentaire social au nez et à la barbe des censeurs et des oppresseurs de tous poils.