Avant que la Guerre du Vietnam passe par là, les films de guerre dont nous abreuvait Hollywood étaient de grands films d'aventure célébrant le courage et exaltant le patriotisme américain. Savant mélange d'humour, d'amour, de grands sentiments, d'action, d'esprit de sacrifice, de méchants diaboliques et, bien évidemment de propagande, la tambouille était souvent bonne malgré un réalisme très relatif (on a jamais vu de guerres aussi cleans que celles d'Hollywood dans les années 50/60), et participa largement à la sanctification de la guerre mondiale menée par les Alliés en 39-40.
Si la guerre du Vietnam n'a jamais vraiment eu droit à pareil traitement, faut dire que vue la documentation du conflit c'était compliqué, la 2nde Guerre Mondiale est restée pendant longtemps un territoire sacré de la grandeur militaire américaine. Puis Il faut sauver le Soldat Ryan est arrivé et tout a changé. Depuis que Spielberg a mis les mains dans le cambouis, les films de guerre ont obligation d'être réalistes, violents, sombres et dans la mesure du possible, aussi masculins que faire se peut. Pas de place pour l'amour, la solidarité et toutes ces conneries, juste de jeunes innocents jetés dans l'horreur de la guerre ambiance charcuterie. Michael Bay a essayé de proposer autre chose avec Pearl Harbor, mais il s'est rendu assez rapidement compte que ce n'est plus ce que le public attendait de ce genre de films.
Tout ça pour dire que malgré la débauche d'effets spéciaux de grands films comme Il faut sauver le Soldat Ryan, La Ligne Rouge, Dunkerque ou Fury, l'heure n'est plus au divertissement quand il s'agit de conflits armés, mais au sang, à la sueur et aux larmes.
Autant le dire tout de suite, la Corée du Sud ne semble pas avoir reçu le mémo. Si comme ses collègues occidentaux Ryoo Seung-wan ne s'économise guère rayon violence et brutalité, il va clairement chercher son inspiration du côté des films de guerre des années 50 auxquels il injecte toute la vitalité du cinéma coréen, nous offrant ainsi un condensé de créativité virtuose.
Quoique caricaturaux au possible, les personnages sont tous très attachants (mention spéciale au duo père-fille Jung-Ming Hwang / Son-an Kim) et les scènes d'action s'enchaînent à vitesse grand V dans une vision fantasmée et quasi-mythologique du rôle joué par les Coréens lors de la 2nde GM. Patchwork d'influences assemblé avec maestria par Ryoo Seung-wan, Battleship Island "commence comme Germinal et se termine comme la Grande Evasion" ainsi que l'écrit très justement Le Figaro. C'est dire s'il s'agit d'un film-somme de tout le cinéma des 50 dernières années, de la comédie-romantique au film de kung-fu en passant par le film d'aventure et la comédie-musicale. Tout s'imbrique parfaitement comme dans une symphonie d'émotions menée tambour battant.
On en ressort lessivé mais heureux et en plus, éclairé sur un événement mal connu de la 2nde Guerre Mondiale. Très fort.