Par pitié, n'invoquez pas son nom une troisième fois...

D'accord, d'accord.


Vous m'avez maintenant percé à jour, ne cherchons aucun faux-semblant, depuis le temps.

J'ai possiblement commis mes critiques parmi les plus inspirées (toutes proportions gardées) sous le coup de la colère et, a fortiori, en ces temps de disette où la plume ne me chatouille plus qu'exceptionnellement, force est de constater, en jetant un œil goguenard et résigné sur les deux seuls films m'ayant suffisamment déçu pour motiver davantage qu'un statut laconique, que je me comporte comme le dernier des journaleux : les mauvaises nouvelles font vendre ou, à tout le moins, donnent envie d'écrire dans le cas qui nous occupe.


Or donc, Beetlejuice bis ne sera point l'exception à la règle. Et, pour y parvenir, Burton ne reculera devant aucun sacrifice, surtout pas de métaphoriquement cracher au visage de son petit bijou de premier opus, reprenant un à un les ingrédients ayant participé à son succès, pour les trahir et mutiler hideusement, sans daigner même le faire avec le talent caractéristique qui signait les œuvres de ses jeunes années.


Tout ce qui composait le charme et la réussite de Beetlejuice, est soigneusement ignoré. Pis, pris à contrepied. Du casting restreint, constitué majoritairement de noms méconnus ou mal-aimés, aux effets spéciaux délicieusement artisanaux et décalés, en passant par une action simple et lisible, le tout habillé par un Danny Elfman des grands jours, tout était au service d'un film novateur, irrévérencieux et néanmoins accessible, avec la touche de burlesque et de dégoût qui mettait à la perfection en valeur des personnages que l'on découvrait avec délectation.


Ici, l'heure est à la débauche tous azimuts. Casting 5 étoiles, jusqu'à la petite amie du moment, Monica Bellucci, que l'on intègre à mon avis pour de fort mauvaises raisons, et par conséquent au forceps, pour une énième incarnation de la maintenant quasi-contractuelle fiancée de Frankenstein burtonienne. Ou, d'ailleurs, d'autres que l'on écarte pour d'aussi mauvaises bonnes raisons, tel un Jeffrey Jones empêtré dans ses démêlés judiciaro-moraux, qui ne pouvait décemment pas réapparaître dans un film "jeunesse". Des effets numériques du plus mauvais goût, accomplissant l'exploit de simultanément faire paraître les effets pratiques (auxquels Burton tenait apparemment beaucoup, même si je suis tout sauf certain que ce soit pour les bonnes raisons) extrêmement forcés, et en retour se trouver complètement déplacés par comparaison avec les animatronics, maquillages ou latex, substances diverses et avariées, et autres stop motion qui jalonnent les 1h45 aussi incroyablement étriquées qu'interminables de cet opus. Danny Elfman exécute, également, un grand écart saugrenu pour son grand âge : être tout à la fois en service minimum et en roue libre, pour avoir laissé filer de telles choses lors des passages avec des musiques non-originales.


Beetlejuice senior trouvait son alchimie dans la nouveauté et la faible épaisseur relative de ses personnages, dans un scénario somme toute simple, sinon simpliste, entièrement au bénéfice d'un divertissement assumé, s'abstenant de rebondissements superflus et avalanche de moyens.

Burton semble avoir oublié jusqu'à l'existence d'une telle possibilité, peut-être parce qu'il y a des factures à payer, peut-être sous la pression des fans et/ou des studios, peut-être par envie de retrouver un peu de ses gloires passées et marquer, une fois encore, peut-être, l'Histoire du cinéma, l'âge avançant. Peut-être un peu de tout cela.


Indépendamment des racines du mal, le bilan est un amas informe d'intrigues ineptes, inutilement empilées les unes sur les autres, bâclées (Monica Bellucci, donc, mais aussi voire surtout le personnage de Jérémy), de tentatives malheureuses et hautement malaisantes de clins d'œil à son illustre ancêtre. À pieds joints dans la redite pantouflarde et rampante, puis s'affaissant, s'escrimant à s'en éloigner, jusqu'au ridicule le plus complet, l'on subit tour à tour "l'hommage" à la mythique scène de Day-O, puis l'on cherche un endroit où se cacher pour épargner au réalisateur la honte de regarder cette misérable "trouvaille" du "Soul Train", où il saisit le prétexte d'un double sens pour le moins douteux pour nous infliger un affligeant ballet disco-funk aussi passager qu'il paraît long. Et, soyez-en certains, j'aimerais vous dire que ce sont là les seules abominations auditives du film, malheureusement je ne puis décemment passer sous silence les lip-dubs indigents sur Right Here Waiting, mais aussi et surtout la tragique scène du mariage, pinacle probable de ce déjà triste palmarès, s'affairant maladroitement, jusqu'à la gêne la plus totale, à recréer la chorégraphie et la pantomime de la scène du repas, et donc du Day-O que l'on s'était précédemment contentés d'évoquer brièvement par la musique uniquement. Sans davantage de succès, vous l'aurez compris. Parce que l'on a déjà eu droit à cette évocation des marionnettes, parce que le choix de la chanson ne peut rivaliser. Parce que la sauce ne prend pas, tout simplement.


La fraîcheur de découvrir les différents protagonistes, mais aussi les règles de cet univers, dans Beetlejuice premier (et seul) du nom, cède place à l'évidente nécessité d'en faire réviser les grandes lignes aux éventuels nouveaux spectateurs des nouvelles générations, ou les rares des anciennes étant pour X raison passés à côté. Les personnages ne sont pas épargnés puisque, loin de se laisser porter par leur innocence comme à l'époque de leur première aventure, la spontanéité et la compréhensible surprise de la découverte, à chaque nouvelle complication, chaque nouvel arrivant incongru, ils doivent maintenant composer avec leur passif et leur "expertise" ce qui, non content de les rendre bien moins dignes de notre empathie, contraint évidemment le scénario à leur fournir toutes sortes d'artifices pour justifier qu'ils soient embarqués dans des situations et lieux dont ils se méfient à raison.


Surnage à peine dans ce marasme, un Michael Keaton que l'on a connu plus inspiré. Certaines mimiques permettent d'esquisser un furtif frémissement, un presque sourire, malheureusement vite effacé quand lui-même s'échine à tordre les lèvres, tentant vainement de nous faire retrouver la magie de ce personnage aussi infâme que clownesque, aux grimaces inspirées, au verbe haut, à la verve suintante, à la gouaille visqueuse. Las, à l'instar du Titanic, il suivra le chef d'orchestre de ce naufrage, l'ami Tim qui s'y complaisait depuis pas mal d'années déjà, dans les abîmes insondables de la caricature, tutoyant dangereusement la déchéance la plus totale le guettant maintenant.

On hochera la tête avec toute la bienveillance dont on sera encore capable, et il en faudra, lorsque surgira le ver des sables en stop-motion, figure imposée mais gentiment réussie dans sa désuétude, frêle esquif malmené par une mer déchaînée.


Le reste de la troupe, délaissant la bienvenue théâtralité du Beetlejuice originel, s'adonne au plus grotesque cabotinage et, même ce faisant, avec une totale absence d'abandon et de naturel, condamnant insidieusement mais irrémédiablement les tentatives de retrouver l'initiale ambiance circadienne, à un ridicule des plus accomplis.


Et puis, enfin, l'on traversera dans une indifférence mâtinée de soulagement les quelques minutes restantes, vers l'inéluctable mais libératrice conclusion de ce spectacle navrant.

En souhaitant avec ardeur, que de conclusion il s'agisse bien.

SeigneurAo
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le 16 oct. 2025

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