« Belgica » est un peu le pendant belge du « Rumble fish » de Coppola. Un univers borderline, où vont évoluer deux frères avec l’ainé, véritable pygmalion du cadet, dont le retour va l’entraîner peu à peu dans une descente aux enfers, ou si tel n’est pas le cas, cela y ressemble fort. Si ici l’onirisme visuel diffère, Van Groeningen apporte lui aussi un soin tout particulier à ses plans (dont la plupart sont à l’épaule assurant des cadrages sur le vif). Et tout comme dans le film de Coppola, la musique est ubiquiste et tient un rôle à part entière dans l’histoire, débridée et entêtante façon clubbing ou murmurée et de fait inquiétante. Elle se ressent au même titre que les images, suractive et singulière. Soulwax signe là une mirifique partition.


Le plus étonnant n’est pas le scénario (dès les premières images Van Groeningen en pose le socle) mais bien la manière dont il est traité. Cela tient à l’évolution du lieu, « Le Belgica » qui va passer de petit bar atypique de quartier où l’on ne refuse personne à l’endroit le plus branché de Gand (ville tendance qui bouge bien !), ce qui ne sera pas sans provoquer un flot de dérives, hélas convenues. La mutation des personnages est elle-même brillamment amenée avec notamment l’inversion du rapport de force chez les frangins, mais également chez les personnages secondaires ou la clientèle qui fréquentent l’établissement. Et puis certaines scènes sont éblouissantes (l’effet de la première prise de coke pour Jo, les scènes avec le public ou les groupes musicaux, la soirée de lancement, le baiser éthéré…).


Le monde de la nuit chez Van Groeningen peut faire peur, pourtant il se trouve assez proche de la réalité de certains clubs. Et c’est en cela que le réalisateur arrive à captiver le spectateur, voire à le happer. Il lui fait partager un ensemble de sensations, d’impressions qui immanquablement provoqueront le malaise ou l’envie. Le film est survolté, au bord de l’implosion à l’image de deux protagonistes, le montage acéré, la lumière crue, le son explosif et pourtant il est traversé par une espèce de beauté, certes vénéneuse mais formelle, et d’une certaine indulgence, après tout cette vie là n’est qu’éphémère.


Malgré cette noirceur ambiante, on s’attache énormément aux personnages, notamment celui de Jo auquel Stef Aerts apporte toute la subtilité, l’intensité et la force s’opposant à un Tom Vermeir extra en looser patenté.


Belgica est tout sauf un film politiquement correct, il irritera vraisemblablement une élite dans le déni bisounoursesque, et pourtant il apporte en deux heures autant d’adrénaline que toute la production actuelle réunie et dite de sensation !


Extraits de la bande originale... CULTE !


https://www.youtube.com/watch?v=O-iLKAaqhVY&index=1&list=PLQHPnxqb5SD5gd89Sjcne_ua2WTYHWhan


https://www.youtube.com/watch?v=Ef3zk-QFM9Y&index=2&list=PLQHPnxqb5SD5gd89Sjcne_ua2WTYHWhan


https://www.youtube.com/watch?v=DXUFla67a9o&index=5&list=PLQHPnxqb5SD5gd89Sjcne_ua2WTYHWhan


https://www.youtube.com/watch?v=LBq3jgATkZY&index=8&list=PLQHPnxqb5SD5gd89Sjcne_ua2WTYHWhan


https://www.youtube.com/watch?v=0KsOjQZkbPc&index=17&list=PLQHPnxqb5SD5gd89Sjcne_ua2WTYHWhan


https://www.youtube.com/watch?v=tMOzm-8cpa4&list=PLQHPnxqb5SD5gd89Sjcne_ua2WTYHWhan&index=14

Fritz_Langueur
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le 2 mars 2016

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Fritz Langueur

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