Benedetta est le dernier film en date du vénérable réalisateur néerlandais Paul Verhoeven à qui l'on doit entre autre Starship Troopers. Après le récent Elle, il est plaisant qu'il met de nouveau en scène un film français, tant sa filmographie est éclectique et internationale. Et on est intrigué de savoir comment son cinéma qui utilise souvent la violence et la satire pour dénoncer les failles de nos sociétés va appréhender le sujet de la sœur Benedetta, aussi mystique qu'implacable.


C'est l'histoire d'une jeune fille promise au couvent après avoir guéri miraculeusement d'une maladie. Benedetta. Le père de cette dernière honore donc la promesse faite dans la prière une fois que sa fille est remise sur pied. Mais la jeune Benedetta, qui prie tous les jours la vierge, semble susciter des réactions tangibles du Très Haut par sa ferveur. Après quelques manifestations surnaturelles toutefois, retour sur terre au couvent, où sa richissime famille doit donner une dot afin que la fillette soit reçue pour commencer sa vocation d'épouse du Christ. Dès le début, Verhoeven décrédibilise l'Eglise catholique romaine par cette négociation financière où on cherche à grapiller la plus petite somme, comme s'il s'agissait d'un commerce quelconque. Mais dans une Eglise qui vend des indulgences au 17ème siècle, rien d'étonnant. En plus du côté affairiste de l'Eglise, Verhoeven ne tarde pas à dénoncer aussi le problème du corps. Une sœur qui accueille la jeune Benedetta lui donne ses nouveaux vêtements qui sont conçus pour être inconfortables, à dessein. Ils grattent parce qu'on ne doit pas se sentir à l'aise dans son corps.


Le temps passe et Benedetta devient une (très belle) femme et toutes les zones d'ombre de cette Eglise d'amour ne font que se renforcer. La mise en scène ne reculant jamais devant le ridicule de certaines situations pour bien en dénoncer le mysticisme et l'hypocrisie (visions de Benedetta en pleine représentation, scepticisme de ses soeurs). Dans un autre contexte que la religion, cela serait d'ailleurs comique. Et comme chez Molière dans Tartuffe, il ne s'agit pas de rire uniquement pour se moquer. Il s'agit de dénoncer l'hypocrisie. Hypocrisie d'une Eglise qui secourt contre de l'argent. Hypocrisie d'une Eglise qui invente des miracles pour l'ambition d'un prévôt qui veut devenir évêque. Hypocrisie d'une sœur qui dirige le cloaque sans avoir la foi. Hypocrisie d'un nonce apostolique qui aime visiblement un peu trop les femmes. Et enfin, hypocrisie de Benedetta qui a la prétention de se substituer à Dieu. On dénonce également la cruauté de cette Eglise qui n'hésite pas à envoyer au bûcher ceux qui sont condamnés pour hérésie, ou à torturer les témoins pour recueillir des aveux.


Vous entendrez certainement parler d'un objet qui sert de sextoy à notre belle nonne mais ce n'est pas le sujet du film. Même si en terme de scénario, il s'agit d'une belle variation du Mcguffin. Sauf qu'il s'agit d'un gode qui revêtira une force probatoire importante. L'objet a alors de l'importance non pas par son usage physique, mais pour faire avancer l'histoire.


L'Eglise catholique, même au 21ème siècle, n'est pas une cible si facile à atteindre car souvent, on tire à côté. Elle n'est pas néfaste en ce qu'elle impose des dogmes à ses fidèles ou promeut une vision conservatrice de la société. En revanche, elle devient un danger mortel lorsqu'elle prétend s'occuper un peu trop du temporel. Ainsi, l'épidémie de peste qui sévit dans le film peut être vue comme une allégorie de cette Eglise qui entend prendre trop de place. Garder la peste hors des murs de la ville équivaut alors à toujours bien conserver la distinction, chère à Saint Augustin, entre la Cité de Dieu et la Cité des hommes.


La distribution est excellente avec une Virginie Efira très charismatique en Benedetta et une Daphne Patakia parfaite dans le rôle de la tentatrice, Bartolomea. Lambert Wilson excelle dans le rôle du nonce apostolique, ecclésiastique de pouvoir. Enfin, Charlotte Rampling est très subtile dans son rôle de mère supérieure. Avec une mise en scène soignée, une photographie magnifique et un ton toujours tranchant. Verhoeven montre qu'il a encore énormément de choses à nous dire, malgré son âge vénérable. 

Andika
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le 14 juil. 2021

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