BigBug
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Film de Jean-Pierre Jeunet (2022)

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on peut aussi écrire des critiques bâclées

Il fallait bien un réalisateur français pour porter le fiasco du modèle de production netflix au pinacle!


Non content de m'apprendre qu'il n'a rien à dire sur le cinéma, dans un entretien particulièrement inintéressant donné à france culture, Jeunet révèle deux faits parlants : depuis trois ans il désespérait de trouver un producteur pour financer son prochain film (sans s'attribuer aucun mérite dans l'échec commercial de son T.S. Spivet, se contentant de déplorer le peu de temps que les films passent en salle pour faire leurs preuves, et la sortie de Gravity la semaine suivant celle de son film), Jeunet en un coup de fil au patron de Netflix, a obtenu le banco.
Jeunet n'a pas eu le temps de parler du sens de son film. Peut-être comme David Lynch, préfère-t-il maintenir un mystérieux silence sur la signification (hi hi) de son oeuvre. Mais la brève évocation de sa carrière lui a permis d'expliquer pourquoi il avait failli embaucher Tardi pour "Le dernier dimanche de fiançailles", avant de changer d'avis : ce dernier lui avait fait remarquer qu'il avait choisi le mauvais modèle de char. Jeunet a commenté en disant qu'il ne voulait pas qu'on l'embête avec des histoires de boulons qui ne collent pas (...à la réalité historique). On se dit alors que si Jeunet met autant de rigueur à créer un monde futur qu'il en met à recréer le passé, c'est mal barré (on soupçonne que contrairement à Mike Judge pour son très discutable et malthusien Idiocracy, il n'a pas lu Germs, guns and steel, encore moins consulté des prospectivistes comme Spielberg pour Minority report). On se dit aussi que les réalisateurs ont trop de pouvoir en France. On se dit que netflix, qui a abandonné un projet de série avec Lynch, lâche décidément trop la bride aux réalisateurs ; et que les projets avortés ne sont pas tous regrettables. On se dit que la prodution française obéit à une logique de nivellement : Jeunet a choisi de réaliser un huis-clos parce que ça coûte moins cher ; les instances de financement françaises choisissent de produire une myriade de très petits budgets en se disant que, au moins, ça ne fera pas trop d'argent de perdu. D'un côté, on salue la logique qui donne leur chance aux débutants. D'un autre, on remarque quand même que si nombreux fussent-ils, les films français ne sont pas si variés. On se demande si tous ces gens ont bien raison de vouloir faire du cinéma (pour se faire du pognon, devenir célèbres et se taper des actrices). S'ils ont quelque chose à raconter, ils peuvent commencer par écrire. Le manque de style ou l'absence de maîtrise de la grammaire ne sont pas des problèmes. Ou bien s'ils se moquent de raconter une histoire, ils peuvent faire du cinéma expérimental avec leur smartphone et quelques logiciels gratuits de montage et d'effets spéciaux, somme toute, et mettre ça sur youtube. Si leur talent correspond au marché, un producteur US leur proposera peut-être du boulot. Ils peuvent même tourner des navets et les rendre publics, ça fera rire.


Alors Jeunet tourne sa "comédie" dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle ressemble à du mauvais théâtre de boulevard. Répliques débiles, humour moisi, jeu outré, histoires de couples sans intérêt. Le scénario cumule des thèmes éculés sur la nature humaine imparfaite, les robots qui veulent devenir humains, l'aliénation du mode de vie petit-bourgeois - mais peut-être se rattrape-t-il par son sens visuel et l'univers qu'il crée ? Visiblement particulier, il adopte un mauvais goût délibéré, un kitsch rétrofuturiste qui sans être original, a rarement été exploré dans les comédies de sf, étonnamment (et dans le champ des séries, s'il est quasi absent des comédies de sf - sauf Red dwarf? - , il est relativement présent de manière involontaire dans les séries "sérieuses" jusqu'au tournant "dark" des années 2000, et il trouve ses meilleures illustrations dans le dessin animé, comme l'indique la comparaison avec les Jetsons, c.a.d. les Pierrafeu du futur).
Et pourtant... Comme toujours (?), les Américains l'avaient déjà fait avant, en mieux, et avec pas un rond de surcroît. Quels sont les avantages comparatifs du film Life on the edge?


Life on the edge prend une situation de sitcom la plus lamentable possible : un employé invite son patron à souper dans l'espoir d'obtenir une promotion grâce aux bons petits plats de sa femme. Las, le patron drague la femme, et s'avère moralement immonde. Partant de là, on va déjà reconnaître l'inspiration de Brazil, dans le système de tubes d'alimentation centralisé, qui fournit une multitude de produits et d'aliments industriels dégueulasses directement à domicile. Une scène "extérieure" nous conduit même dans l'envers du décor de ces réseaux, qui ressemble à un mélange entre égout et antre de sorcière - d'ailleurs commandé par Anne Ramsey dans son dernier rôle, gratiné.
Tout commence par une scène de cuisine où la ménagère modèle du futur prépare sa tambouille écoeurante à l'aide d'appareils ménagers grotesques, sur fond de musique électronique composée de sons de synthé rigolos et d'échantillons de gémissements qui s'ajoutent aux couinements des animaux hybrides (probablement résultats des radiations et de la pollution chimique) qu'elle découpe et broie, avant de les offrir en sandwiches à son fils alléché. Le fiston part ensuite dans sa chambre s'adonner à un jeu un peu dégoûtant aussi.


Rien de comparable dans BigBug. Pas de cuisine bizarroide, pas de musique rétro-futuriste ringarde, pas de scène dans les toilettes de l'avenir (24h sans pipi ni caca), à peine un peu de mobilier modulable très classe en fait, bien que probablement inconfortable. Donc passés le robot jouet circa 80s, l'aspirateur d'inspiration comics, et la jolie tête d'Einstein, zéro. Quelques plans d'extérieur sur une cité futuriste propre et claustrophobique. Mais finalement rien d'original sur l'influence des technologies sur la vie quotidienne (comme l'a fait remarquer une autre critique, à partir du moment au bout de dix minutes de film, où il est expliqué à un personnage que la voisine a cloné son chien, comme si c'était une nouvelle technologie dont elle n'avait jamais entendu parler, il y a un hic). Hormis...


Le problème central que doivent résoudre les protagonistes, la domotique automatique les a enfermés sur ordre central des robots qui ont pris le pouvoir. Ca les ennuie, sans qu'aucune conséquence pratique sérieuse ne soit envisagée (réserves d'alimentation, etc.).
A partir d'ici ça devient confus. Mais je vais comprendre que ça l'était déjà avant. Un robot-gestapo débarque suite à l'emploi de vieux ordinateurs (pourquoi la fille a-t-elle de vieux ordis dans sa chambre? Quel est l'intérêt d'inclure de la vieille tech dans un film déjà rétro-futuriste?) pour se connecter au réseau et lancer un appel à l'aide (le fait que toute la population se trouve dans la même situation qu'eux ne semble pas les effleurer un instant) et vient cramer les bouquins. C'est tout ce qu'il fait, cramer les bouquins (??!!??) pendant que les humains quand ils n'essaient pas de sortir ne pensent qu' à copuler et les robots domestiques à devenir humains - et à protéger les humains. Ce qui m'a induit en erreur : jusqu'à l'arrivée du robot-nazi, je croyais que les humains étaient maintenus enfermés pour leur protection, pendant que le reste de la population était récolté pour faire du pâté pour chiens, par exemple. Il s'avère ensuite que non. Mais alors que font précisément les gentils robots pour protéger les humains des méchants robots? Et d'ailleurs, quels sont les plans des méchants robots? Et bien pour le savoir les amis, la seule chose que je puisse vous suggérer est d'écrire une lettre à Jeunet, mais il n'est pas sûr qu'il sache la distinguer de toute les lettres de spectateurs consternés qu'il aura jetées à la poubelle sans les ouvrir, ou même qu'il puisse vous offrir une réponse.


Donc voilà le problème. Dans la plupart des comédies, les personnages centraux sont cons comme des raves. Mais ici, ils ne sont pas seuls.
(il n'est pas exclu que le spectateur fasse partie de la compagnie, mais je n'ai pas envie de revoir le film pour vérifier ce que j'ai raté)

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le 16 févr. 2022

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ChatonMarmot

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