Le cygne noir, la facette la plus écrasante du cygne, la plus attirante aussi, surtout pour Nina.
Astreinte à une discipline de forcenée afin d'atteindre la perfection, Nina est une jeune danseuse rigide et angoissée et ce malgré la souplesse de son corps : coincée par l'amour étouffant et malsain de sa mère, coincée par l'amour tétanisant et soumis porté à l'irascible chorégraphe et enfin craintive de ses rivales, étoile perdue ou talentueuse insouciante.
Mais tout comme le personnage de la reine des cygnes qu'elle doit gagner puis interpréter, sa principale rivale est elle-même, son double, sa jumelle. Sa personnalité vacillante de cygne blanc entre en contradiction avec l'égoïsme du cygne noir, dévastateur...
En pleine mutation vers son émancipation sexuelle (Nina vivant toujours comme une enfant, toute de blanc vêtue, entourée de peluches, bercée par une boîte à musique), l'accumulation des douleurs physiques et morales l'isole peu à peu de la réalité.
C'est donc tout à fait impuissant que le spectateur, embarqué dans la réalisation (parfois un peu trop) frénétique de D.A., assiste à l'enlisement de Nina dans ses névroses.
C'est beau, c'est torturé, c'est bien chorégraphié et c'est porté par une musique magique et des acteurs presque parfaits. Le seul petit bémol est que j'ai trouvé certains traits un peu forcés et un peu caricaturaux dans l'expression de la démence.
Je conseille cependant à tous de se confronter à l'expérience.