Ouach ! Ça, c'est du cinéma !
L'histoire est assez simple : Nina est une danseuse, parfaite pour jouer le cygne blanc, si pur & si fragile. Perfectionniste maniaque, petite fille sage & psycho-frigide (non, ce n'est pas une faute de frappe ;) ) ; elle va devoir changer, puiser au fond d'elle-même & se mettre en danger en transgressant ses propres interdits, lorsqu'il s'agira de danser en même temps le cygne noir, sensuel & mystérieux.
Le film relate brillamment cette chute, parfois freinée, parfois vertigineuse. Là où il devient brillant, c'est dans le choix de la si lisse & si parfaite Nathalie Portman. Car sa prestation porte le film bien au-delà de ce qu'une autre actrice aurait pu faire. Balayées la petite fille de Léon, l'insipide reine de StarWars ou tous ses autres films. Car plus encore que le personnage, c'est l'actrice elle-même qui se met en danger dans ce film, comme elle ne l'a jamais fait avant en plus de 15 ans de carrière. Bien aidé ici par un Vincent Cassel parfait en Pygmalion pervers.
Certains reprocheront au film d'user de procédés classiques dans le traitement cinématographique de la schizophrénie : abus de miroirs, transformation physique si kafkaïenne, bouffées d'angoisse. Tout cela est vrai. Mais faut-il révolutionner le cinéma pour accoucher d'un chef d'œuvre ? Clairement, non. Malgré son classicisme, ce film fonctionne à merveille. La montée de la psychose est lourde, prenante & angoissante ; la descente aux enfers est peut-être parfois prévisible, mais le destin très faustien de l'héroïne vous prendra à la gorge à chaque instant, au fur & à mesure que la danseuse se fera dévorer par un double rôle qu'elle ne maîtrise nullement.
Bien aidée tout du long par une magnifique galerie de seconds rôles, qui la pousseront allègrement dans toutes les directions, sauf la bonne. Cassel, je l'ai déjà dit, mais aussi la trop rare Wynona Rider, la bombe Mila Kunis ou l'extraordinaire Barbara Hershey en mère possessive & aussi givrée (à sa façon) que son étoile de fille.
On pourra aussi ajouter une chorégraphie magique & des danseuses exceptionnelles, qui vous feront frémir de bonheur.
Mais il faudra surtout ne pas oublier l'autre grand acteur de ce film : Tchaïkovsky, dont la partition formidablement revisitée par Clint Mansell donne au film toute sa dimension. Tour à tour enlevée, lascive, intime, fascinante ou épique, la musique du maître russe donne à ce film une dimension émotionnelle rare, dont il sera difficile, une fois le générique achevé, de ressentir toute la richesse.