La formule est bien connue, répétée ad nauseam pendant plus de deux heures par la super-héroïne : « you’re ok ? ». Elle clôt les séquences de destruction massive, achève les combats ou scande les offensives entre deux bourre-pifs et autres castagnes ultra spectaculaires – ou voulues ainsi. Derrière elle se cache pourtant le problème de fond de Black Widow, qui est également celui de nombre de blockbusters contemporains : résoudre la violence par une pirouette composée de deux petites lettres. Une telle démarche aseptise la brutalité d’ensemble et empêche le spectateur de ressentir en lui les coups portés. Comment éprouver de l’empathie pour des êtres qui ne souffrent pas et dont la gesticulation incessante, à grand renfort d’effets spéciaux, nous fait perdre de vue l’humain dans sa fragilité fondamentale ? Comment croire en des figures qui n’ont, pour seule appréciation de leur état physique et moral, qu’une brève expression ? « Ok ».
Voilà qui est curieux : augmenter la dose de psychologique et de pathos sans représenter au préalable la faiblesse, sans arrêter la caméra – constamment tendue vers le climax à venir – sur les conséquences physiques d’un couteau planté dans la jambe ou d’une chute depuis le sommet d’un immeuble. Le long métrage atteste un culte de la performance stérile axé sur une axiologie simple : soit on est ok, soit on est ko. Rien entre les deux. Marvel épouse alors malgré lui l’automatisme froid et désincarné des antagonistes qu’il met en scène : sa femme n’est plus une femme, pas même une humaine, elle devient machine. Le paradoxe est grand : investir le terrain de la manipulation technologique, qui empêche les agents de penser par eux-mêmes, en caractérisant d’emblée lesdits agents comme des robots programmés pour le combat.
Nous rions aussi en observant l’entêtement du film à entretenir un cercle exclusivement féminin, là où la femme cède le pas à la créature numérique sans désirs ni profondeur émotionnelle – l’ouverture du long métrage ne sert ainsi qu’à amener un semblant de traumatisme, artificiel et idiot. Black Widow est un film hygiénique qui représente des accidents et des combats propres sur eux, qui recourt à une imagerie uniforme et qui disparaît après utilisation tel du papier dans les latrines.